Maison Estremont

Court récit de l'histoire récente de la Maison Estremont

La brise marine balayait la face burinée de Lord Joffrey Estremont. Il assistait chaque soir au spectacle du crépuscule du haut de la tour d’observation de son château. Vertepierre qu’il s’appelait. Il y avait peu de noms de places qui s’accordait si bien à la réalité. Vertepierre avait l’allure d’une bâtisse immémoriale ; solide fort de pierre, tours et remparts aussi vénérables que solides, mais rongés par la végétation et l’humidité. La forteresse trône sur une colline d’où l’œil perçant distingue aussi bien, les reflux des vagues sur les plages rocheuses, que le labeur des serfs labourant leurs terres, ou le souffle du vent marin dans les forêts parsemant l’île. Des forêts et des montagnes, l’océan et le paysan, voilà tout ce dont recèle l’île d’Estremont. Il en a toujours été ainsi sur l’île humide, venteuse et pauvre d’Estremont. Jadis, c’était sur ses quais que s’amassait les flottes des Rois de l’Orage. Aujourd’hui, on n’y trouve outre les barques et les boutres de pêcheurs, la fierté de Lord Joffrey, sa flotte personnelle. Le prestige de la Maison Estremont n’est pas dû à la richesse de son commerce ou à sa puissance militaire, mais au prestige et à la loyauté que la Tortue d’Estremont a toujours manifesté envers le Cerf d’Accalmie, et ce depuis l’Âge des Héros.



Les dernières décennies avaient été pleines de changements pour l’île calme et isolée d’Estremont. Le père de Sa Seigneurie, Lord Grance fut un brave chevalier, valeureux combattant et habile marin, mais aussi un excentrique pour lequel rien n’était plus précieux que de rencontrer des étrangers, acquérir des connaissances et transformer son modeste fief en un joyau éclatant. Il avait constitué un trésor de guerre en se battant en Essos et au service de Lord Baratheon d’alors à qui il avait offert son unique fille comme épouse. Riche et ambitieux, Estremont s’était vu se développer à grande vitesse. Il fit venir architectes, marchands et artisans des Cités Libres pour bâtir des ports, construire des navires, développer l’agriculture ou encore exploiter les ressources en bois et en minerais de l’île. Estremont ne concurrença jamais ne serait-ce que Ville-en-Pleurs ; néanmoins, on pouvait dès lors parler d’un bourg viable et pour le moins prospère. Il se dota d’une flotte dont le plus précieux appareil fut la magnifique galéasse personnelle de Sa Seigneurie, La Carapace, imposant monstre des mers, du moins selon les standards ouestriens. L’autre grande ambition de Lord Grance avait été l’acquisition d’une grande bibliothèque à Vertepierre, recelant d’ouvrages anciens et précieux provenant de tous les endroits du monde connu, et pour lesquels avaient été consenti de grandes dépenses. Lord Grance avait noué de forts liens d’amitiés avec les Archimestre de la Citadelle, tout autant qu’avec certains des plus grands savants des Cités Libres qui furent invités à Vertepierre, parfois pour échanger avec Lord Grance, mais aussi pour agir comme précepteur pour les enfants de Sa Seigneurie. Lord Grance avait su donner un souffle propre à sa famille. Lorsqu’il s’éteignit en l’An 294, il laissait à son fils, Joffrey, les moyens de perpétuer son héritage et son ambition.




De prime abord, Sa Seigneurie apparaît comme un homme grisonnant mais vigoureux, grand et svelte, qui revêt souvent d’élégants mais coûteux vêtements produits à Tyrosh ou à Lys. Il semble avoir une grande conscience de sa supériorité comme de ses devoirs envers ses sujets et son suzerain. Une dignité et un orgueil émane de sa manière d’agir, toujours affable et sérieux, tant et si bien qu’il est difficile de deviner ses véritables intentions. Gestionnaire hors-pair tout autant que diplomate de talent, il affiche une grande robustesse et énergie dans sa volonté de remplir ses objectifs. On ne peut nier en le voyant une forme de bonhommie, privilège de l’âge, qui est un de ses plus grands atouts.

Quand Lord Joffrey succède à son auguste père, il est déjà dans la fleur de l’âge et aguerri par la guerre contre Dorne de l’An 294. A la différence de son père, Joffrey se sent proche de ses sujets, et de ses terres. Il ne quitte alors plus que rarement son fief sinon pour cultiver ses amitiés et ses liens de famille dans les Terres de l’Orage, évitant consciencieusement de se mêler des grandes affaires du Royaume. Souvent considéré comme partisan de Naerys Targaryen ou des Résilients, la réalité est que Joffrey a longtemps cultivé les ambiguités pour ne pas prendre le risque de froisser telle ou telle faction en prenant définitivement parti. Néanmoins, Lord Estremont a toujours été proche d’Accalmie, et de son neveu Lord Corwen dont il se montre un loyal et fervent soutien. Lord Joffrey est aujourd’hui un homme âgé, extrêmement apprécié de sa population. Il ne quitte que rarement ses terres que pour des tâches importantes, comme les récents événements de Lancehélion en témoignent.

Jeune homme, il avait épousé Lady Tyana Cressey qui lui avait donné un fils unique, Rhaegel. Ce dernier, digne héritier de son père, était un brave et honnête chevalier. Bon jouteur tout autant que capitaine compétent, il était aussi un homme friand des plaisirs de la chair et de la boisson. Immodéré et impétueux, on lui prêtait maintes amantes et tout autant d’ennemis dans les bouges les plus infâmes d’Estremont et de Ville-en-Pleurs. La tragédie qui le frappa demeure encore inexpliquée. Un soir, côtoyant un bordel de Ville-en-Pleurs, il y fut poignardé à plusieurs reprises sans qu’un témoin ait pu dire qui avait commis un tel crime ni pourquoi. Ainsi, le futur de la Maison Estremont se voyait mis à mal par ce sombre assassinat. Ser Rhaegel ne laissait qu’un garçon de sept ans, Matthos, qu’il avait eu de son union avec Lady Aelinor Horpe, une belle femme très fidèle mais dont la piété et la grandeur d’âme n’avait pu que rebouter son époux qui était, lui, d’une toute autre trempe. Ce drame faisait du jeune Matthos, petit-fils de Sa Seigneurie, l’héritier de Vertepierre. De belle allure, Ser Matthos est un jeune homme, tout récemment fait chevalier, qui excelle certes non pas par son talent aux armes mais plutôt par son charisme et sa capacité à nouer des liens et des amitiés. Il est difficile de deviner ce que l’avenir réserve au jeune Matthos, mais on peut espérer qu’il puisse succéder plus qu’honorablement à son grand-père qui l’associe à ses décisions et en fait le loyal exécutant de ses volontés.




Enfin, si nous devons offrir une vision complète de la Maison Estremont, nous nous devons de citer les autres membres plus éloignés de celle-ci.
D’abord, le premier frère de Lord Joffrey est Ser Bryen qui fut jadis un chevalier de maisonnée à Accalmie, mais qui est aujourd’hui infirme. Gouverneur de l’île, il organise la gestion quotidienne des terres de son frère et rend la justice quand celui-ci ne le peut. Ser Bryen a eu deux enfants de Lady Jeyne Gouër. Le neveu de Lord Estremont est Ser Harys Estremont, un marin habile et tempétueux, grand capitaine au service de la flotte orageoise qui s’est récemment illustré à Lancehélion comme gouverneur de la place. Alysanne Estremont est la nièce de Sa Seigneurie. Ravissante et délicate jouvencelle, elle a récemment épousé Ser Clifford Wylde.
Le dernier frère de Sa Seigneurie est Quentyn Estremont, un homme de savoir exceptionnel qui, si sa curiosité et sa volonté de voir le monde ne l’en avait pas dissuader, aurait tout eu pour être un mestre. Sage et cultivé, il a produit maintes chroniques et travaux littéraires de bonnes factures qui trouveront sans doute une belle postérité dans les siècles à venir.
On peut en outre citer Lady Jocelyn Estremont, la défunte sœur de Lord Joffrey, épouse de Lord Orys Baratheon et mère de l’actuel Lord Corwen, qui a cimenté par les liens du sang l’amitié et l’alliance des maisons Baratheon et Estremont.