Un songe estival - Tully de Tyrosh

Une fois de plus, les deux musiciens tyroshis conclurent leurs mélodies d’une série d’accords ambitieux et toute l’assemblée rugit d’enthousiasme. La joie des festivités emportait tous les coeurs, mais Daemian Tully de Tyrosh n’arrivait pas à quitter le monde de ses pensées.

“ Et bien, Prince Daemian, n’êtes vous pas avec nous ? Laissez donc vos registres, vos soucis et vos idées nouvelles pour demain.”

Le grands yeux de Jahalys étaient parés de nombreuses rides de joie et de sagesse. Sa chevelure avait abandonné le blond targaryen depuis plusieurs hivers, et ce soir son chignon sophistiqué scintillait d’un gris argenté. D’un élégant geste du poignet elle fit remplir la coupe de Daemian, et l’attendit avec son fameux sourire si bienveillant.

L’organisation de la soirée avait certes occupé Daemian et son administration. La nouvelle maîtresse des cérémonies, la lysanie Kahyl Rogare, venait à peine de prendre ses fonctions et elle avait été reconnaissante du soutien du Grand Argentier. Mais ce n’était rien comparé à toutes les priorités de son office et du gouvernement Lannister.

“Je vous demande pardon ma reine, répondit-il en s’inclinant, et je vous assure que toutes nos affaires sont en ordre.
- Allons, ce n’est rien mon ami. Dites-moi plutôt ce qui vous préoccupe.
- Votre grâce, je ne voudrais pas vous…
- Balivernes, le coupa-t-elle, point de cela entre nous.”

Tandis qu’ils conversaient à mi-voix dans la tranquillité de la table de la reine, les guitares tyroshies reprirent de plus belle et l’émotion qui taraudait Daemian depuis le début de la soirée s’accentua. Des bouffées de souvenir lui transperçait le coeur. Le sourire de Lyra. La couleur de ses lèvres.

“ Je vous confesse, très chère Jahalys, que je songeais à chez moi. Cette période est fascinante. Et je suis fier de ce que nous faisons. Mais ce soir, je pensais à ma … à ma ville.
- Vous voulez dire à votre femme n’est ce pas ?
- Vous aviez bien sur raison. Je vous demande pardon,… c’est que je ne peux imaginer ce que vous devez vous même traverser.
- Vous ne le pouvez pas en effet, mon bon Daemian.”

La reine resta silencieuse pendant de longs instant. Elle allait dire toute la confiance qu’elle avait dans les talents du Roi Valarr, mais elle s’interrompit en voyant sa fille Adèle converser quelques tables plus loin avec Alyse, la fille de Daemian. Les mariages des deux jeunes femmes étaient un sujet auquel elle et Daemian revenaient souvent, et notamment toute la difficulté posée par leur rang.

Ce soir cependant, il y avait un je-ne-sais-quoi de solennel dans les mots qu’Adèle et Alyse échangeaient à l’oreille. Jahalys Targaryen prenait pleinement conscience qu’elles n’étaient plus des enfants. Elle aurait dû le savoir depuis longtemps, bien entendu. Les responsabilités, le danger familial, la guerre dans le royaume, mais les succès aussi. A les voir ainsi échanger des phrases sérieuses malgré la musique et la fête, la reine sut qu’elles avaient définitivement perdu leur insouciance.

“ Prince Daemian, vous savez ce qui me donne courage ? Lorsque je ne sais pas où se trouve mon époux ?
- Non, ma reine, répondit Daemian en suivant son regard.
- Je repense au premier jour où j’ai su que j’allais l’épouser, reconnu-t-elle dans un soupir, et à la magnifique fille qu’il m’a offert.”

Le souvenir des premiers regards de Lyra ne quitta plus Daemian de toute la soirée. Demain, il lui écrira pour lui dire tous les accomplissements de leur fille.