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 Les Fléaux de Dorne

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Maitre Chêne
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MessageSujet: Les Fléaux de Dorne   Les Fléaux de Dorne Icon_minitimeDim 1 Sep - 16:41

Les frères Edric et Mandric, et la férocité des guerres Dorniennes

Archimestre Jaenar, 389 après la conquête


L'histoire des relations tumultueuses entre Dorne et ses voisins est vieille, avec de nombreux épisodes très connus. Ceux qui enflammèrent la région sous le règne de la seconde dynastie Targaryenne, dès 275, sont particuliers à plusieurs titres. Il est quelque peu futile, malgré tout, de les aborder d'un angle critique qui ne soit que proprement Dornien, ou qui soit au contraire cantonné à la vision très hautaine des seigneurs de Westeros qui se gaussèrent, des décénnies durant, de l'instabilité de la région.

Dorne, en fait, à connu à proprement parler un âge de héros et de contes, qu'on attribue d'ordinaire à d'antiques époques à moitié légendaire de Westeros. Loin des chevaliers glorieux et peu visionnaires du Val et des capitaines ambitieux mais fabriqués d'un seul modèle des régions centrales, les protagonistes des divers conflits Dorniens - deux invasions et trois guerres civiles entre 294 et 330 - se démarquent par des caractères forts et uniques, parfois névrosés ou simplement incompétents, mais systématiquement opiniâtre et méjugé par leurs contemporains des deux côtés du Détroit.

Si l'on excepte les passages fugaces d'enragés aliénés et, somme toute, très banal dans leur caractère, comme Samwell ou Malvina Dayne, on découvre guerriers et gouvernants aux pratiques originales, qui combattirent avec des méthodes d'une modernité sans pareille, que seuls des visionnaires comme Hoster Targaryen ou Chyro Faenyris mettaient en place à l'époque ; dans une moindre mesure, on peut également citer Jaena Beraelys, Aemond Targaryen, Oscar Vanbois et Eon Corbray.

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Dans ce florilège de pratiques innovantes, tant diplomatiques que tactiques, on en note plusieurs vraiment remarquables, qui furent reprises par les grands généraux des années à venir. L'utilisation d'éléphants de guerre dans la première bataille du Fléau, en 329, est permise par les liens avec Volantis de la défunte Ellia Martell. Les divers artifices utilisés par les Ferboys remportèrent la manche et constituent une deuxième leçon. L'utilisation d'armes décisives comme les dragons, la cavalerie lourde - et ici les éléphants - n'est en fait point du tout aussi intéressant que la mise en place d'artifice par le camp adverse, qui nécessité, déjà, outre une capacité d'innovation, une acquisition méticuleuse d'informations.
Le Conseil de Régence Dayne-Ferboys ne poursuivra pas l'entreprise de réformes militaires lancé par Ellia Martell, mais favorisera malgré tout le recrutement et la formation de groupes armés alternatifs ; partisans dans les montagnes, milices formées par les seigneurs, gardes d'élite ; mais aucune de ces méthodes ne fera leurs preuves.

On peut aussi noter les pratiques diplomatiques nouvelles et osées, c'est à dire les imbroglios, mensonges, acquisitions d'armes étrangères, dont le contrecoup le plus notable sera l'affaire des sosies du Prince Doran Martell. Mais il est essentiel de noter l'importance de certains aspects plus discrets de la diplomatie Dornienne de l'époque, qui reposait sur énormément de contre-vérités, de cloisonnement des informations, chose d'autant plus perturbante pour la scène politique de l'époque étant donné le nombre de puissances extérieures qui s’impliquèrent alors dans la situation Dornienne.

Deux des exemples les plus frappants de cette époque, sans doute pas les plus marqués ni les plus connus, mais les plus représentatifs, seraient à mon goût les frères Edric et Mandric Allyrion, conquérants de Dorne lors de la troisième guerre civile.

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Perdants de la première bataille du Fléau, les deux frères Allyrion passaient déjà à l'époque pour des militaires aguerris, mais utilisaient des méthodes trop prévisibles pour un adversaire bien renseigné sur leurs forces ; et leur défaite ne surprit qu'une moitié des observateurs.

C'est en fait leur exil qui leur conféra la plupart des traits de génie dont ils disposèrent, y compris celles des pratiques qu'ils mettaient en place sans en avoir confiance.

Au contact des mercenaires d'Aemond Targaryen, livrant guerre contre Norvos et contre l'expédition Lannister de 329-330, leur pratique militaire évolua. Les longs affrontements dans les montagnes, contre des partisans et des troupes semi-régulière, commandant à une force mixte aux allégeances incertaines, mais avec un noyau dur de guerriers loyaux et aguerris, en disposant d'équipements variés ; une expérience totale qui préparait dans la fureur tant l'invasion du Val que la reconquête de Dorne.

Réunissant, à la fin de la guerre et au moment de la rupture entre Aemond et Qohor, leurs partisans et leurs troupes aguerries, ils mirent voile vers les Cités Libres pour y préparer le retour. L'invasion de Dorne par le Bief et l'Orage avait marqué la fin rapide de l'édifice politique des Dayne-Ferboys ; leur survie temporaire était alors plus dû à la temporisation politique et au jeu de secrets et de mensonges, qu'on peut sans doute plus attribuer au Lord Forrest qu'au Conseil de Régence.
Même avec cela, les puissances voisines et même distantes continuant à s'impliquer, rien ne permettait de prédire avec certitude une victoire si éclatante des perdants de la seconde guerre civile.

Ce qui fit leur victoire tient bien plus à leur manière de livrer la guerre qu'à l'ingéniosité qu'ils produisaient en bataille. Listons leurs avantages au début du conflit ; une armée nombreuse réunie par les seigneurs de l'est ; des armes en quantité suffisante ; un ravitaillement efficace ; une petite quantité de troupes d'élites en sus des chevaliers ; quelques équipements de qualité supérieure, notamment des arbalètes ; des commandants aguerris.
De tout cela, Ferboys et Dayne disposaient également, bien qu'en plus faible qualité. Et on aura beau dire que leurs arrières étaient moins assurés, il serait faux de penser que les soutiens des Allyrion leur présentaient une allégeance durable. La plupart leurs avaient fait défaut lors de la seconde guerre civile, et ne manquaient pas d'entretenir des doutes quant à la conduite de la guerre. De plus, si les Dayne/Ferboys avaient l'Orage et le Bief dans leurs dos, qui menaçait tant leurs pays que leurs crédibilité politique, c'était tout autant le cas des Allyrion, Lancehélion étant aux mains des Baratheon.

Leur manière de livrer la guerre, ainsi, se démarqua par sa férocité implacable. Les deux frères menèrent leurs troupes à une chevauchée rapide et impatiente, n'interrompant jamais un mouvement stratégique pour une réflexion. C'est ce dont ils tiraient leçon de Norvos : disposant d'armes diverses et mouvantes, dans une scène politique sans cesse changeante, il est nécessaire de mener ses armées soi même, et de les faire courir soit à la bataille soit au raid en permanence. Ne s'interrompre que pour un siège ou pour un ravitaillement, tout en chevauchant jusqu'au pays ennemi pour menacer ses ressources, forcer l'adversaire à défendre ses positions, ce qui lui fait perdre l'initiative. Des suites de mouvements vindicatifs, impitoyables, qui ne prennent en compte que des facteurs stratégiques et utiles ; ne s'encombrer de moralité que par utilité.

Le massacre fut particulièrement sanglant.

On recense plus d'une vingtaine de seigneurs et grands chevaliers morts ; les effectifs des deux camps considérablement saignés ; et tout cela sans rien négliger pour la victoire. Celle ci fut obtenue en sacrifiant autant de soldats que nécessaire, même parmi la garde d'élite de Mandric, et sans rien mettre en jeu de plus qu'utile concernant la gloire et la pitié. La chevauchée continua immédiatement après contre les forteresses des vaincus, évitant ainsi tout ramollissement ou relance des négociations, qui furent menées en parallèle.

En bref, la guerre féroce et totale que menaient les deux frères peut être interprétée comme un remplacement total de la tactique par la stratégie, ou tout à fait l'inverse ; tous les mouvements étaient engagés selon un objectif immédiat, pour lequel tous les moyens possibles (raids et pillages brutaux, utilisant de toutes les ressources disponibles, abandon des autres priorités comme les négociations avec l'Orage) étaient utilisés. Mais d'un autre coté, cette manière de livrer la guerre à l'adversaire donne toute latitude pour négocier après coup, tout en assurant un contrôle des effectifs et des alliés très important, car ceux si sont mobilisés complètement, et en permanence.
On le voit au moment des sièges de Ferboys et de Denfert ; les Allyrion ne contrôlent pas Doran Martell ni Lancehélion, avancent dans leurs négociations, se rallient le seigneur Forrest, bref, nombre de choses ne changent pas. Mais militairement, ils gagnent, et la seule chose constante, la seule ressource qui avance, est la qualité et l'allégeance de leurs troupes, fondement de leur puissance et de leur droit à régner, qui fédèrera progressivement les nobles de Dorne à leur cause.

Qui tient Dorne par ses armes propres et par celles là acquit la loyauté des Dorniens, résistera à tous les périls. Ce n'est pourtant pas suffisant pour dire qu'ils mirent fin à l'intrusion d'intérêts étrangers dans leur région ; car la chute des Dayne, qui entraîna celle des Tully de Tyrosh, avait mit en branle un conflit trop important pour pouvoir être arrêté.
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MessageSujet: Re: Les Fléaux de Dorne   Les Fléaux de Dorne Icon_minitimeDim 12 Jan - 15:52

LE BANQUET DES CORBEAUX


Un soleil perçant brûlait tant la plaine que les cadavres. Le reflet métallique des armures salies par la poussière de cavaliers de réserve qui piétinaient vainqueurs et perdants d'un engagement déjà fini, brûlait les yeux. Plus amoindri encore, celui des bouts de ferraille tâchés de sang de la centaine de fantômes et du millier de mort. Dès le début du combat, alors que nous attendions avec la cavalerie, ce carré d'herbe asséchée au milieu de tout me renvoyait une sale impression.

Le choc de cavalerie initial avait eu lieu une portée de flèche derrière l’endroit où je me tenais, présentement, à moitié hébété. Et on l’avait gagné la main haute. C’est à pied et au milieu de ce carnage que nous autres de la garde d’élite avancions, avec arbalètes et cimeterres, tout le tintouin, pas pour percer les flancs ou pour briser les lignes, non, cette fois, simplement pour se débarrasser d’une seule emmerdeuse de Dayne. Et on l’avait fait, ça aussi. Les provocations de Mandric Allyrion ont ramené l’Epée du Matin au milieu du traquenard le plus foutument évident des cinq dernirères guerres. Pas de duel, pas de gloire, même pas le luxe de frapper du fer pour se défouler. Un fin voile de cavaliers brillanta au soleil se jettant sur une ligne de fantassins en apparence étiolée. Les deux hérissons de piquiers, les bourriquots sur les flancs, interrompant les charges et les vollées pour assister à l'imprudent mouvement.
Son cheval bondissait par-dessus un rocher en hauteur quand le carreau tiré par Sardine l’a atteint à la poitrine, fauché en plein vol, envoyant voler son cure-dent éthéré nommé Aube. Un tir d’anthologie. Et derrière, elle s'est faite trucider, la gamine, sans avoir fait couler la moindre goutte de sang. Cinq baroudeurs, à la pique, en ont fait une bouillie de noblesse, l'assaillant férocement à l'instant même ou elle touchait le sol.

Que croyait-elle exactement ? L'estime de quelques uns de ses nobles compères, spadassins durs-à-cuir de guerre n'ayant jamais vu le jour, parfumés et fier de leur sang mais vert comme l'herbe du Bief, passionnés de tournois ennuyeux et de mêlées sans enjeux ? La guerre, la vrai, on ne la fait que pour deux raisons : y survivre ou la gagner.

Et nous étions des chiens de guerre, authentiques, endurcis, le crâne farci du souvenir de ceux qui sont tombés, les yeux pétillants de la lueur violente de ceux qui s'amusent à la guerre, qui connaissent la fragilité du corps humain et ne respectent que leurs chefs. En courant vers Mandric Allyrion, quelqu'un qui en lieu et place d'un canasson bariolé et d'une épée de légende, se battait à la hache et au poignard, elle était déjà morte. L'escrime d'une trentaine de chevaliers éduqués contre la rouerie des gardes du corps d'un aventurier de renom. Ce combat, nous l'avions vécu en sachant qu'il marquerait les mémoires.

C’est après seulement que ça a commencé à puer. La rencontre de cavalerie était d’ores et déjà bouclée, mais avait déjà prit un lourd tribut, car nous avions été considérablement exposé au choc, et l'étions encore aux flèches et aux piques. La bataille était loin d’être terminée. L’adversaire partant à toute allure pour éviter que la méchante trempe qu’ils se soient prise n’achève le combat – une rebiffade qu’on doit sans doute à un quelconque général plus expérimenté, j’ignore lequel – il a fallut progresser sous les flèches pour, à courte portée, leur balancer une volée de carreaux très, très vilaine. Les arbalètes Myriennes décochent trois tirs d’un coup ; autant dire que nos deux cent gaillards, même amoindris et épuisés, quand ils ont lâché le feu, ils n’ont pas fait que chatouiller la ligne de piquier. La brêche ouverte, et la cavalerie déjà amochée, c'est la piétaille qui s'est jeté corps et âme sur les fers dénudés.

Sur les flancs, je n’ai pas trop saisi ce qu’il s’est passé, mais je suppose que faire tomber les étendards Ferboys qui ornaient les deux petites collines n’a pas été aisé. Je me doutais que ça avait été une affreuse boucherie là bas aussi, mais de là où j’étais, j’en voyais pas grand-chose.
Ici, après tout ce harcèlement et ces assauts improbables, c'était devenu une mêlée, les deux lignes se rencontrant pour de bons, l'une épuisée, l'autre massacrée, les généraux des deux camps désormais conscients que ça n'est pas seulement la piétaille qui va déguster, mais que chaque chevalier et chaque noble rsque sa vie pour de vrai.

Des canailles, des durs à cuire, et quelques aristocrates encore sidéré. Il ne restait que ça et des charognes, après trois heures de boucheries dégénérées. Ca et là, des vétérans de quatre batailles demeuraient tétanisés comme moi par l’invraissemblable cauchemar, tandis que la bleusaille de passage, qui partait à l’avant – des combats se prolongeaient ça et là au loin – se chiait dans le froc en voyant ses aînés à moitié brisés. Une centaine de fantômes, blessés, agonisants ou brisés mentalement, qui erraient au milieu d’un plat principal qui ferait peur aux corbeaux les plus affamées.

L’os et la chaire ouverte, ravagés, le fer tordu et les éclats de bois, en quantité invraissemblable, s’amoncelaient au dessus d’une flaque titanesque de sang et de tripes. Les cavaliers accéléraient pour éviter que leurs montures s’affolent, les piétons qui partaient au combat vidaient boyaux et sens communs à la vue et à l’odeur de la barbaque dans laquelle, moi, je flottais jusqu’aux genoux. Je m’extirpais pour ma part à peine de l’ivresse du carnage, mais je m’étais rendu compte depuis une dizaine de minutes déjà que j’avais le bide à l’air, percé d’une lance qui avait dérapée. Le trou n’était pas énorme, mais il allait d’un coté à l’autre, et, pour être honnête, il n’aérait pas du tout. Au contraire, ça refoulait carrément.
Le soleil qui recommençait d’un coup à me taper sur la caboche faisait subitement beaucoup plus mal. Je tenais d’une main mes intestins, persistant à vouloir les garder au chaud. Ma lame était perdue quelque part dans le cadavre d’un petit bonnet de piquier au dos solide, mais je tenais encore le poignée en main, incapable d’ordonner à ma poigne de se desserrer.
Que faire exactement ? Patauger, encore ? Quelque part, je sais que je vais mourir, et pourtant, les images qui me viennent, ce ne sont pas les bonnes. J'ai déjà frôlé la mort, j'ai déjà survécu à des blessures infâmes, toujours protégé par une bonne étoile, soigné par des chirurgiens d'exception, délirant des jours durant dans l'espace entre la terre, le ciel et les Sept Enfers. Et je sais ce que c'est, revoir tout, ressasser quelque chose d'incohérent, puis sentir la fatigue, s'endormir, penser qu'on ne va jamais se réveiller.

Hors, là, tout ce qui me venait, c'était des figures de style, des souvenirs de mes premiers amours à la Citadelle, et des images de guerre, mais pas celles qui s'imposent normalement. Je revoyais des blessures terribles et les figures qui leurs survécurent ; des bourbiers infâmes et ma bande de copains, dont pas plus de quelques uns restaient au sol, beaucoup pour se relever avant la fin. On avait survécu à tout. On nous avait surnommé les Tranches-Montagnes, on bombait le torse à chaque fois qu'on défilait, peu importe l'endroit, peu importe si les bouseux du coin ne nous connaissaient pas. L'élite d'une bande d'aventuriers, vigoureux comme des amants, fiers comme des Dorniens et féroce comme des pirates.

Cette impression, c'était peut être mon corps qui me disait qu'il allait survivre.

Sans m'en rendre compte, je continuais à marcher, mes jambes n'abandonnaient rien, et ma tête ne contredisait pas, car quitte à mourir, autant sortir des méandres sanglantes de cette mêlée. En avançant, le temps passait vite ; j'avais l'impression de lire en diagonale.
Au bout de trois souffles, j'arrêtais de patauger, et je me rendais compte que c'étaient mes bottes qui faisaient ce clapoti0. Elles étaient rouge cramoisi. En baissant la tête pour les regarder, j'aperçus sur ma droite le cadavre défiguré de Sardine, percé de part en part. Il ne pourra jamais revendiquer son exploit, le pauvre.

En la relevant, le soleil me frappa de plein fouet, et la moitié de mon corps se réveilla, seulement pour m'indiquer sa douleur. Ma bouche était poisseuse de sang, un mélange de gencives et de dents écrasées, bouillie infâme dont le goût me restera longuement. Mon bras droit était un chiffon douloureusement tordu. Trois plaies légères m'envoyaient des signaux irritants. A chaque battement rageux de mon cœur, j'avais l'impression que le sang ne parvenait pas aux jambes, qui se transformaient en bois, et dont les veines allaient exploser.

J'ignore combien de temps je continuais ainsi, oscillant entre la stupéfaction de la souffrance revenant à elle, la marche méthodique et ablative, et les souvenirs chaotiques, qui perdaient mon esprit dans les marécages d'une vie oscillant entre le lyrisme populaire et la catéchèse militaire. La Citadelle, ses livres que je n'ai jamais lu, les violences inoubliables de ma vingtième année, les marécages affreux du mercenariat, puis Tyrosh, Dorne, la guerre civile plein de désespoir, Essos et ses expéditions, l'audace de chef qui petit à petit gagnaient tout ce qui me restait de mental.

De temps en temps, un bruit distrait me rappelait que cette guerre continuait et continuerait, bien après ma mort. Certains soldats, aujourd'hui, marcheraient tout la journée sans jamais arriver au contact. D'autres sont mort d'une flèche égarée, alors qu'ils rêvaient de se couvrir de gloire. D'autres encore, dans les chaumières des Marches, avaient placé leurs armes au dessus de leur porte, mais ne savaient pas encore qu'ils allaient, avant la fin de l'année, l'emmener avec eux, suivant un seigneur dont ils ne connaissaient même pas encore la figure, et répondant aux aboyements de sergents durs à cuir.

J'étais parvenu sur une butte, et je me rappelais avoir pensé il y a quelques minutes, que c'était l'endroit idéal.
Mon esprit s'affaisa en même temps que mon corps. Quand je réussis à m'asseoir, j'eu l'impression d'avoir le poids d'une galère. Quand je fus allongé, ma main tomba presque délicatement sur le sol, et effleura une herbe asséchée, plus douce que tout le reste. Je contemplais une scène presque caricaturale du carnage, bannière brisée flottant douloureusement, râles d'agonies non-audibles mais qu'on devinait à la posture prostrée des blessés. Mais la mare de sang, le nombre et la densité des cadavres, même en tapisserie, donnerait envie de vomir.

Une figure s'avançait, ethérée. Je ne voyais plus rien de vivant, quoiqu'en cherchant ce fut possible, et que je devinais que les combats d'arrière-garde dans mon dos n'étaient pas si loin. Au loin, le camp semblait distant et ridicule.
L'homme était plus une forme, encapée, ombre au milieu d'une plaine ensolleillée, à peine effleuré par les rayons. Les traits de son visage semblaient tantôt sveltes et taillés dans un marbre doré, tantôt gaillards et musclés, plus je le regardait, moins j'avais l'impression de le voir. Son armure était d'un cuir renforcé de lamelles d'acier, et il avait quantité d'armes et d'outils exotiques sur lui. On aurait dit le porte-bannière d'une armée de fantômes ; mais son allure spectrale contrastait avec un visage de conte et une épée de saint.

Elle brillait comme un phare dans une nuit pluvieuse, mais son éclat trompeur se fondait dans une ombre faussée ; comme si elle s'entourait des ténêbres qu'elle prétendait dissiper.
A aucun moment, je ne me posais une question sur l'intention de l'homme, la raison de son itinéraire sur le champ de bataille.
Il s'avançait vers moi, et à mesure qu'il gravit la butte, sa figure rapetissit ; puis, il fut au dessus de moi, et il était gigantesque. Mais pas plus qu'avant, je ne réussissais à préciser ses traits dans mon esprit, à le fixer sans le perdre.

Sa voix glissa doucement sur la plaine, comme si il cherchait à ne pas déranger les âmes qui s'échappaient.

– Vous avez quelque chose qui m'appartient, je crois.
Ni mon corps ni mon esprit ne pouvaient faire autre chose que suivre la scène. Le peu de concentration qui me restaient cherchaient à déceler un trait ou une couleur m'indiquant quoique ce soit, commandé par un sursaut de l'instinct du spadassin.
Il me regarda, je le devinais, et s'attarda sur ma poitrine.

– Je ne pense pas que vous survivrez longtemps, aussi vais-je me permettre de vous faire subir quelque chose de désagréable à tout être promit à des nuits de sommeil futures. Je m'en excuse par avance. Mais si vous me facilitez la tâche et m'accueillez, je puis vous promettre de tenter de vous apporter quelques chances d'en réchapper.

Il se pencha, commis cette erreur, et mon esprit se raffermit comme si, en plein milieu de la bataille, un instinct brutal m'avait fait exécuter une botte parfaite.

– Je vous connais.

Eut il l'air surpris ?

Les images me revinrent brusquement. Des scènes de tempêtes nocturnes et de vents froids contrastant en tout point avec le soleil étouffant. Le choc des navires, les allées maudites. Des fines lames du monde entier, l'incertitude permanente, les combats de rue interminable.

– Vous étiez à Tyrosh. Je vous connais.

Il se releva d'un coup sec, comme démit de sa fonction de spectre aux intentions insondables. J'en étais certain, il était étonné, et si il cessait sa mise en scène, c'était par calcul. Sa main gauche sortit de sa cape, gantée d'un acier noir, et, posant un genou au sol, il se pencha vers moi.

– C'est une rencontre fortuite et intéressante. Mais cela ne change pas grand chose à nos affaires, et nous discuterons de ces souvenirs de guerre en une occasion plus chaleureuse ; si toutefois vous survivez.

Son œil droit, grand ouvert, semblait changer de couleur ; mais sa pupille flamboyait d'une flamme jaune. Le gauche était de couleur jade, figé à jamais, et, alors que la main gantée me saisist le bras, j'eu un frisson, le pire de ma vie. Je relevais la tête, et, chuttant dans le gouffre de son œil mort, j'hurlais, et ma conscience s'effondra, sans ultime image ni pensée.
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