Tour 18 : Discussion entre un père et son fils
Steffon est assis dans sa chambre, il ne fait rien de particulier, les yeux perdus dans le vague, tourné vers la fenêtre. Son père entre après avoir frappé un léger coup sur la porte entre-ouverte, interrompant les réflexions du jeune homme et lui faisant tourner la tête.
- Bonjour.
Paxter adresse un signe de tête à son fils, il a l’air préoccupé, mais le jeune homme se doute que c’est l’organisation du mariage de son frère qui occupe toutes les pensées du Lord. L’île toute entière n’a l’air de tourner qu’autour de ces festivités futures depuis quelques jours, ce qui indiffère assez le jeune homme, mais par politesse, il demande tout de même :
- Je peux vous être utile ?
Le Lord sort de ses pensées, on dirait qu’il a presque oublié où il était, et un instant il regarde son fils avec les sourcils froncés, comme si il cherchait les raisons de sa venue dans cette chambre, puis il reprend contenance et secoue la tête en réponse à la question de Steffon avant de prendre à son tour la parole :
- Non, je n’ai besoin de rien. Je suis venu discuter avec toi du mariage.
C’est au tour du jeune homme de froncer légèrement les sourcils. Il ne voit pas vraiment en quoi il a quelque chose à voir avec la cérémonie, mais son père poursuit sans que le fils n’ait rien à ajouter.
- La date est fixée depuis quelques temps, comme tu le sais, et nous avons prévus d’organiser un tournoi, lors duquel se dérouleront trois épreuves. Je veux que tu participes à l’une d’elles.
Steffon reste muet pendant plusieurs minutes regardant son père en se demandant à moitié si celui-ci se moque de lui. Le Lord a pourtant parfaitement conscience du peu d’intérêt que son fils porte à ce genre d’activité, et, par la même, de son manque d’expérience et d’aptitude pour tout ce qui se rapporte, de près ou de loin, au combat.
- Ne me regarde pas avec ces yeux là Steffon, je ne t’envoie pas à la mort, soupire le père.
- Mais c’est tout comme. Vous m’envoyez me ridiculiser devant la moitié du Royaume et le Roi en prime.
Paxter lève les yeux au ciel et marmonne :
- Il n’est pas dit que la moitié du Royaume sera présente, tu exagères sans doute.
- Cela ne change pas grand-chose.
Steffon n’en revient toujours pas, et son air outré a le don d’excéder Paxter qui reprends un ton plus dur :
- Ton comportement est ridicule. De nombreux jeunes hommes de ton âge serait très fier de participer à ce genre d’événement, ils comprendraient que c’est un bon moyen de se présenter aux autres Lords, de faire preuve de bravoure et de montrer que tu es devenu un homme. Regarde ton frère, tu crois que c’est en restant dans sa chambre à regarder par la fenêtre qu’il va aujourd’hui épouser la princesse ?
Steffon se retient de lever les yeux au ciel à son tour, ne souhaitant pas énerver davantage son père, mais il n’en pense pas moins. A ses yeux, Gilbert est un idiot, il l’a toujours été, et ce ne sont pas ces maigres participations à des tournois qui lui ont permis d’avoir une telle fiancée, qu’il ne mérite pas selon son Steffon, mais bien grâce à sa mère, qui est très certainement la personne la plus intelligente de sa famille si l’on en croit le fils cadet.
Evidemment, le jeune homme n’est pas stupide, au contraire de son aîné, et quand il ouvre la bouche, il choisit ses mots avec soin, sans laisser à son père l’occasion de deviner sa pensée.
- Mon frère a en effet bien de la chance et je suis très heureux pour lui. Mais je n’ai pas l’intention de me ridiculiser en participant à la joute ou en me battant avec une épée que je ne saurai pas manier.
- Tu ne serais pas ridicule si tu t’entraînais un peu plus et si tu suivais tes leçons. Mais soit, pas de joute pour toi, tu participeras au tir à l’arc. Au moins là, tu ne seras pas en danger, et tu n’as presque aucune chance de mourir.
Steffon fait pourtant toujours la tête, mais il comprend rapidement, au regard que lui lance son père, que ce dernier n’est pas près de changer d’avis. Alors le jeune homme se contente de répondre :
- Très bien, mais vous ne viendrez pas me reprocher de vous faire honte quand je finirai dernier de l’épreuve.
Le Lord secoue la tête et, avant de sortir, réponds :
- Je n’ai jamais honte de mes enfants.