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 Leçons du Trône - Des vaincus et des conflits à venir

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Maitre Chêne
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Maitre Chêne


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Leçons du Trône - Des vaincus et des conflits à venir Empty
MessageSujet: Leçons du Trône - Des vaincus et des conflits à venir   Leçons du Trône - Des vaincus et des conflits à venir Icon_minitimeMar 15 Oct - 17:36

Conversation entre Danwell Frey et Daemian Tully de Tyrosh à l'occasion d'une partie de Cyvosse.


Il est des endroits de Port-Réal qui échappent souvent à l’imagination des grands hommes comme des petits ; des bâtisses de taille anonyme mais de belle facture, qu’on accorde plus aux bourgeois et aux voyageurs qu’aux nobles seigneurs. Et de noble seigneurs, aujourd’hui, c’était la plus belle facture qu’on avait : celle des Princes, conseillers et meneurs, qui, jouant au Cyvosse comme ils pouvaient avec le même entrain diriger les affaires du royaume, discutaient de souvenirs de guerre… bien que cela évoquât de bien différentes mémoires pour l’un ou l’autre.

L’hôtel, secret, appartenait à la famille Tully depuis vingt ans, et avait été le lieu de quantité d’intrigues qui bouleverseraient l’avenir de Westeros. Plats de vins opiacés, chapons à l’odeur délicieuse, trois ou quatre viandes en sauce et une douzaine de petits mets régalaient les convives. La décoration était frugale mais colorée, avec seulement quelques ornements et des murs peints, ainsi que de nombreux On trouvait, en cette table, quatre joueurs de Cyvosse.
La première paire était formée de Danwell Frey, Maitre de Guerre tout récemment promût, Sire des Jumeaux. Vieil homme aux yeux pétillant de malice et d’un orgueil mérité, ses cheveux et son teint blafards donnaient quatre vingt ans de corps, bien que sa peau et ses épaules gardèrent quelques fermetés qui faisaient descendre à soixante l’âge fatidique ; sa constante placidité, comme il convient aux vieux sages, parfois quelque peu vitupérant comme il convient aux vieux débris, ne trompaient pas sur la puissance de l’homme qui avait élevé ou vu grandir huit ou dix des plus grands personnages de ce monde.

Le second de la paire, d’une race plus vieille et puissante encore, mais qui jamais n’haussait le ton pour le prouver, car, captieux en toute chose, il tirait sa gloire de ses affaires, témoignait de sa déférence au personnage ; sans s’empêcher pour autant de prouver par ses manières qu’il se considérait comme tout aussi avisé. Grand Argentier  et Prince de Tyrosh, il gouvernait lui non pas sur des chevaliers et des laboureurs, mais sur des marchands et des marins, et en tirait pourtant une sagesse très semblable sur la conduite des affaires diplomatiques.

Le vieux tigre et le renard dévissaient ainsi autour d’une partie qui n’avançait que très lentement. Mais quiconque aurait eu les oreilles pour entendre la discussion qui l’entourait, en aurait retiré plus de sagesse que par toutes les parties de Cyvosse au monde.

L’autre paire, constituée de Nayor Frey et de E..., les écoutait tranquillement dévisser des évolutions politiques d’Essos. C’était le Sire des Jumeaux qui s’exprimait alors ;

- Quelle témérité il avait, ce jeune homme! Si Vif-Azur n’avait pas été là pour rôtir vif sa cavalerie, cela aurait été un fameux combat. Entendre des nouvelles de lui me fait grand plaisir. Notre monde regorge de personnages plein de potentiels dévoyés des grandes voies, mais brillant dans ce qu'on leur laisse.

Danwell Frey parlait alors des événements survenus sous la Porte de la Lune, lors du tournoi donné en l’honneur des héritiers tout récemment proclamés du Val. Oscar Vanbois avait, avec la complicité des Redstark et des Corbray, mené l’assaut contre les Portes de la Lune, et cherché par ce biais à tuer du même coup ces deux là ainsi que le Sire du Val. Le développement récent est plus vaguement connu, et surtout très distant, se déroulant sur les berges de la Rhoyne, dans le conflit opposant Volantis et Qohor.

- Fameux combat, certes, et sans doute fameuse défaite, père. Nous aurions du même coup perdu le Sire des Eyrié, celui de Harrenhall, celui des Jumeaux, le neveu de la Main, les héritiers et une douzaine d’autres seigneurs.

En effet, seul le malheureux Elston Arryn avait péri, et même pas dans la bataille, mais par assassinat ; et les héritiers mentionnés, fait par testament, Jared Frey et Marie Belmore, prirent à eux le Val et les Eyrié dans l’heure... sous la vigilance de l'ancien allié du défunt, le même Danwell Frey.

- Il est vrai que la préparation était déplorable. Elston Arryn était le plus mauvais et le moins prévoyant des grands seigneurs que j’ai connu. Plusieurs milliers d’hommes approchant sans être arrêté, et pas plus que quelques centaines de Veneur pour nous défendre. Je doute cependant que la moitié des noms que vous citassiez se laissent croquer aussi facilement que mon coquet de petit fils, qui se fit capturer immédiatement ; je citais tout à l'heure le dragon, mais nous avions aussi un ou deux Manfraid Whent sous le coude, ainsi que les chevaliers du Val et la garnison.  

Ce disant, il s’esclaffa bruyamment.

- Ah, et cela me rappelle, que notre chère Lady des Eyrié, pendant ce fameux affrontement, se cacha sous une table, à quatre pattes comme une servante apeurée ! Quel fou rire cela m’avait causé quand son cousin nous la ramena toute tremblante, les genoux pleins de boues !

Un sourire discret de la part du Grand Argentier accueillit la remarque. Nayor leva les yeux au ciel à la mention de l’évènement.

- Vous aimez à vous moquer de vos alliés et parents, père, mais les agissements des seigneurs du Val vous ont mené à la victoire bien plus que votre propre armée. Nous devons beaucoup aux seigneurs de la faction chevaleresque.

Le Grand Argentier intervint cette fois, comme s’il en tirait quelques leçons, alors que sa réponse était toute faite.

- Les hommes marchent dans les sentiers frayés par d’autres. Et je reconnais dans quantités d’actes de cette guerre quelques habiles montages, ou bien les traces de ceux du passé. A vrai dire, peu importe les Noces ; le reste de la campagne ne me semblait pas si facilement acquise. Le hasard et les gestes d'alliés, d'ennemi, peuvent guider vos actes, mais quantité de mouvements ont été exécutés brillamment, avec des forces incertaines.

Danwell déplaça une pièce sur le plateau et repris la parole.

- Vous dites vrai. Les quelques loyalistes du précédent seigneur étant isolés, nous devions compter sur des rapaces et des fossiles à la loyauté difficile. Cordial est tombée par la diplomatie, mais il nous aurait fallu plusieurs mois pour la briser sinon ; et pendant ce temps, il fallait retarder au plus possible l’arrivée sur le sol du Val des Royce et des Hightower. Ce en quoi la Main du Roi dut être convaincue d’emprisonner Inwald Royce dans le Donjon Rouge, et ce sans trop vite faire démissionner le Sire de la Tour.

Nayor se gratta le menton d’un air songeur. De cette affaire, il avait prit part, car c’est lui qui avait été chargé de mener les négociations à Cordial. Voyant cela comme une affaire auxiliaire, il n’avait pas compris alors à quel point les choses avaient besoin d’aller vite. Il s’exprima.

- Ce que j’en reconnais à mon titre, c’est que les conjurés de la première rébellion n’ont que trop tardés à réunir des forces réelles. S’ils avaient, dès le départ, cherché à convaincre les Hightower, Baratheon ou Lannister d’intervenir et des les aider, plutôt qu’à perdre leur temps à amadouer les chevaleresques, nous n’aurions pas eu le temps de réunir nos forces, et les leurs auraient été trois fois plus rapide en plus d’être nombreuses.

Les deux sages, d’un même geste, acquiescèrent gentillement devant la remarque intelligente mais évidente pour deux hommes de leur acabit, qui l’un comme l’autre avaient grandement suivi cette affaire, d'ailleurs dans des camps opposés.

- La source de leur défaite tient plutôt aux prétentions trop faibles et trop mêlées de leur parti. Nous ne savons exactement quels arrangement, mariages ou conseils étaient prévus ; mais ils n’ont que trop tard proclamé un héritier légitime, et cela aurait été nécessaire pour imposer cohésion au tas d’idiots qu’ils avaient dessein de gouverner.  

Une grimace de Nayor irrita le vieil homme, qui poursuivit sa lancée.

«  Cesse donc ces sottises. Les idiots sont des idiots, c’est une réalité politique. Les deux chevaliers faucons, Mace et Mace, si glorieux qu’ils ne voient pas la merde à leurs souliers ; Osric Rougefort, qui se croit plus malin que tout le monde car il a un brin d’ambition et un peu de jugeote, mais qui ne comprend rien aux gens qui l’entourent ; Veneur le Vieux et Melcolm le Jeune, loyalistes sans idées qui vénèrent des statues et des noms poussiéreux ; Hosteen Grafton, qui vendrait père et mère pour un peu d’argent. Pourquoi donc grimacer à ce point quand je mentionne leur bêtise incapable, leur manque de vision ?
Il est facile d’entrer dans ces royaumes aux souverains faibles, car on trouve toujours quelque mécontents ou des gens qui désirent innover. Elston Arryn m’a offert meilleure occasion, en commettant l’erreur des conquis, à savoir faire lui même pénétrer en son royaume aussi puissant que lui. Car, en cherchant ma force contre celle des séditieux, il n’a favorisé que sa sécurité militaire, pour les résultats que l’on connaît, tout en apportant le désordre politique. Forçant la main de ses ennemis, il ne leur offrait aucune solution autre que la conjuration, à nouveau, et menaçait de rallier d’autres de ses vassaux à ceux là ; et je puis t’affirmer que les chevaleresques, si ils n’avaient été attachés à quelques traditions que l’adversaire mettait à mal, et si Elston n’avait pas ajouté à ses bourdes celle de leur donner héritage, auraient sans doute hésités bien plus longtemps. Ce temps précieux nous sauva, de même qu’un chevalier dragon. Contraint de contracter les amitiés que nous nous sommes trouvés, avec des seigneurs plus faibles que nous mais toujours résolument influents, notre victoire a été acquise par un bon ajustement des événements, par le soutien d’étranger et surtout par le manque de cohésion de nos adversaire, qui favorisa la nôtre, car si notre légitimité était la plus faible, elle demeurait la plus stable sur le moment. Nos alliés n'ont été que plus dupes encore que l'adversaire, et en aucun cas nous ne devons les remercier de nous avoir aidés de la même manière qu'ils auraient aidés une sédition mieux organisée que notre invasion ; c'est la nature des seigneurs faibles d'armées ou d'esprits que de se soumettre. »

Le vieil homme, en quelques tirades, ébahissait l’assistance de la justesse de son propos. Et il était vrai qu’avec un meilleur parti et moins d’ambitions parmi les conjurés, ceux ci auraient, sans doute, réussi à ramener plus d’hommes à la bataille, et moins dans le camp de leur adversaire. L’inconstance des divers alliés, dont les seigneurs ici présent ignorent le niveau d’engagement, à part peut être le Grand Argentier qui sait toujours beaucoup de choses, a également ralenti la mise en œuvre de stratégies qui auraient pu être décisives. De fait, on y reconnaît aussi un peu la pâte de Lord Velaryon.
Ralentir l'adversaire, le forcer à contracter des alliances intenables, se présenter comme plus stable, nier les contradictions et simplifier les oppositions, frapper avant toute union, demeurer en mouvement en gardant ses alliés près de soit, toute cette stratégie victorieuse rendait justice complète aux préceptes d'Harwyn le Conquérant, tout en réfutant la place de la gloire militaire et de la stratégie pure comme seuls motifs de victoire.

Loin d’être fini sur le sujet, le baroudeur continua sa lancée.

«  Tu devrais à ce titre, toi qui est sans doute le moins idiot de mes enfants, en tirer quelques leçons. La cohésion d’une famille comme d’un état, nécessaire à toute entreprise politique, s’acquiert non pas par les bienfaits et par les gentilles paroles, mais par la justesse dans l’analyse pratique et l’intérêt commun. Je m’attriste de voir à quel point ceux de mon sang peuvent se montrer aveugle, mais tout au moins avez vous cette cohésion, et j’en suis fier. Sache le cependant ; si les Frey d’aujourd’hui s’aiment et travaillent ensemble, c’est car ceux d’hier comprirent que la famille devait être défendue à tout prix non pas par amour uniquement, mais par intérêt. Le premier existe uniquement car le lien formé par le second le permet ; et le second intervient de préférence après le premier, pour avancer en bonne intelligence ; mais je laisse à mes petits enfants le loisir d’inverser la méthode, pour peu qu’ils mènent mes affaires à bon train une fois que je serais mort. Ceux qui partagent tes entrailles et ton nom auront toujours plus à gagner, si toutefois tu sais le leur faire comprendre, à ta grandeur qu’à ta déchéance. De l’assemblée de seigneurs sans industrie et sans sagesse que nous gouvernons dans le Val, retiens cette leçon : entre les chevaliers et les profiteurs, il n’existe de cohésion que de circonstance. Profitant que le désordre était plus grand chez nos ennemis, nous avons gagné le Val. Pour le garder, il faut maintenir l’illusion que l’adversaire apporte plus encore de troubles, tout en maintenant les impôts et les vieilles coutumes d’alors ; la cruauté ou les méchants propos ne sont pas nécessaires, mais ne choqueront point, et n'apportent pas plus que les propos flatteurs. Car aussi peu intelligents qu’ils soient, les seigneurs du Val se fient à des idées propres à eux et qui les intéressent, c’est à dire non pas forcément les affaires politiques, mais à ce qu’ils voient de leur mode de vie et de leurs vieilles coutumes qu’ils souhaitent conserver, et ils ne souhaitent point combattre pour une cause perdue. Ces faibles seigneurs se solidarisaient à notre cause, car, plus puissant et respectueux de leurs coutumes, nous maintenons également la paix. Mais nous n’aurions point réussi cette œuvre si un idiot ne nous avait pas fait entrer ici ; et à ce titre, défie toi de ce qu’un seigneur plus puissant et capable de promettre une cohésion entre en ces terres, car nous serions alors en péril de voir tout s’effondrer. Le Val aspire à conserver ses coutumes, il l'a fait, mais il aspire tout autant à se régner lui même, et si un jour ce second désir devait dépasser le second, et qu'une puissance plus grande et plus brutale que la notre s'en promettait garant, alors notre perte serait actée. »

Un petit silence permit d’apprécier la justesse et l’humilité, en fait, de tels propos. La stratégie et la subtilité ne suffisent pas toujours, et bien qu’on puisse aussi justifier certaines attitudes des Arryn ou des Corbray par quelques habilités diplomatiques de Danwell, ou bien voir que l’intérêt pour Lord Velaryon d’une telle affaire n’est pas venu seule, Danwell Frey, malgré toute son autorité et sa réussite, avait parlé justement en exposant les causes de sa victoire, et la nature profonde de la domination des Frey sur le Val.

Daemian Tully de Tyrosh, qui était en reste et souhaitait participer à cet exposé de sagesse, prit la parole à son tour.

«  Je me dois de louer la finesse de votre analyse ; et je ne doute pas que, si cette pensée vous apparaît clairement aujourd’hui, c’est certainement l’intuition et le savoir concentrés qui vous ont guidé alors. Pour ma part, je n’ai certainement pas participé à autant de grands conflits et d’oeuvres politiques que votre personne, et j’en tire ainsi une observation sur mes terres et mes eaux. Leur cohérence, en fait, est acquise non pas par le pouvoir des hommes qui la gouvernent ou par de vieilles traditions, mais par une position géographie qui force la coutume et l’industrie à se concentrer entre les mêmes mains. D’ailleurs, la plupart des gouvernements des Cités Libres sont constitués d’une petite élite qui possède la flotte, l’usure, et les quelques ressources du sol et des eaux. Beaucoup de nobles seigneurs de Westeros attribuent à l’ancienneté de la race leur prestige et leur pouvoir ; les plus malins citeront le nombre de leurs épées et l’épaisseur de leur muraille. En ceci, les Cités Libres diffèrent : c’est la quantité d’industrie, certes, qui définit la puissance – et celle ci se retrouve souvent liée à quelques éléments de hasard, la fortune des ancêtres ou le placement de la Cité – mais elle s’obtient et se maintient par la subtilité de l’élite, sa cohésion et son organisation. Les aristocrates d’une Cité vanteront souvent la qualité de leurs navires, la finesse de leur artisanat et la beauté de leur art ; sinon quelques dynasties. Mais alors, je pense, la technique de gouvernement qu’ils adoptent, ne prouvent en rien ce fait. La qualité, la technique, tout cela s’obtient fatalement, facilement. La force d’une Cité Libre, et je parle là non pas des ressources et des moyens accumulés, mais les talents dans la gestion, c’est une capacité qu’ont les nobles à s’organiser et à tout à la fois acquérir et réquisitionner, par une concentration efficace des moyens en question, les ressources nouvelles qui développeront leur puissance. C'est à dire : leur flotte, leur position, leur cohésion ; tout le reste, art, développement, mode de vie et grands oeuvres, n'en est que l'écume. »

Nayor Frey, qui se sentait lui même en reste, et qui avait un peu d’ardeur sur le sujet de ce qui faisait un homme, décida de répondre.

«  Mais comment un être aussi malin soit il peut il se sentir accompli par ces affaires là, si il n’en tire que le faste et le luxe ? Car c’est là bien peu de chose que de mener réussite par le commerce, si vous n’en tirez aucun sentiment chez vos semblables. Nos seigneurs ne sont pas riches, certes, mais leur gloire et leur prestige leur apporte considération chez leurs semblables, et chaleur au cœur plus que par les femmes ou le vin ; l’homme est victime de son sort, coupé du monde et isolé dans sa souffrance. C’est par la communion dans les Sept que le laboureur retrouver son semblable ; et c’est par l’exploit, la justice et le caractère accomplit que la race des seigneurs communie avec son prochain, témoigne de sa domination. Les seigneurs du Val, aussi peu méritants soient ils, ont le mérite de vouloir préserver les coutumes et la liberté qui permettent ces caractères ; peut être un jour les retrouveront ils même. »

Ignorant à moitié son fils, dont il ne partageait pas la vision un peu raffinée, certes, mais toujours teintée de ce quelque chose qu’avaient tous les jeunes, qui ne servait qu’à lever des armées et que Danwell méprisait, le Sire des Jumeaux enchaîna :
«  Vos artisans et vos marins sont ils réellement si différents de nos laboureurs ? Gouvernés, taxés et armés, puis rattaché un peu à votre grandeur, forcé un peu par votre armée, liés à vos commandants, ils suivent. Mais vos magistères en tirent ils le même profit, de toute cette industrie concentrée, que nos  seigneurs ? Car l’élite d’une Cité ou d’une autre n’est pas toujours la même, et, au gré des changements de politique et de guerre, elle peut se faire renverser, exécuter ou assassiner, comme ce fut le cas à Lys l’an passé, et à Myr celui d’avant. De fait, un seigneur peut trouver, dans son prestige et sa dynastie, une sécurité que vos marchands, tout intelligents qu’ils soient, ne connaissent que rarement : celui d’être aimé et respecté. Peut être alors que les plus petits de nos grands seigneurs ne connaitront ni le faste ni le magnifique de vos Cités ; mais ils trouvent dans leur château tout ce qu’il faut, et, sinon qu’un peu de gloire leur suffise à se sentir comblé, la sécurité de leur avoir et de celui de leur famille suffit à les rendre heureux. »

Le Grand Argentier répondit immédiatement.

«  C’est que vos hommes d’états et les nôtres ne sont points différents, comme vous l’exposez sans vous en rendre compte, car vous me parlez là de sécurité qu’un puissant peut trouver en ses propres terres. Tout homme du commun, à vrai dire, change facilement d’allégeance car il ne recherche qu’un peu d’or ou de nourriture, pour poursuivre l’existence de son corps et pour combler quelques vices à lui, qui ne sont d’ailleurs industrieux qu’à ceux qui savent les capter. Mais le noble ou le magistère, qui vit au delà des contraintes matérielles élémentaires imposée à tout homme, trouvera dans les grandes entreprises l’accomplissement de son ambition personnelle autant que celle de son intérêt logique. Développant son affaire, il favorisera tout autant sa dynastie et ceux qu’il chérit que ses propres vices personnels. Car tout homme est pêcheur, il ne faut pas l’oublier, et ce sont nos pêchés qui nous mènent ; et derrière chaque entreprise, chaque ambition, on trouve quelque vil souhait décuplé par la noblesse du personnage qui l’entreprend. De fait, les vrais conquérants qui mènent les choses pour des desseins supérieurs à eux même, touchés par les dieux, sont plus rares encore et sont à la vérité l’élite de l’élite, celle qui fait l’histoire. »

Chacun eut en tête, à ce moment précis, un illustre ancêtre dont ils descendaient tous mentalement, et dont ils portaient chaque jour dans le Donjon Rouge l’écrasant héritage.

«  Mais pour revenir à cet art de gouverner, il faut alors différencier les nuances, comme je l’ai fait pour les raisons qui nous mènent à gagner. Nos gouvernements sont plus fragiles, c’est vrai, et les plus puissants d’entre nous changent bien souvent ; mais la masse intermédiaire, celle des fonctionnaires d’état, des usuriers, des artisans réputés, des chefs de chantier navaux, elle s’effondre bien rarement. De même qu’en guerre, vos grands seigneurs ne sont pas tués mais capturés, mais les petits meurent dans chaque bataille, nos chefs d’état et nos stratèges craignent la mort, mais rares sont ceux à les servir qui ne changeront pas simplement de maître une fois de plus. Il s'agit juste, dans les différents gradiants de nos élites, de différence qualitatives, quantitative. Les fonctions se ressemblent. A ce titre, j’en sais quelque chose, et je contredis en cela le seigneur Frey : la miséricorde et la pitié ne sont pas seules à vous garantir la loyauté, certes, mais les populations d’une grande Cité ont mémoire des bienfaits qu’on leur offre, et si vous savez combler leurs besoins et rassurer leurs peurs, quitte à causer l’un et l’autre, vous gagnez dans leur esprit l'idée associée de la sûreté. En étant seul à pouvoir garantir cela, quand le besoin s’en fait sentir, l’amour du peuple est la plus sûre des forteresses. Seul lui peut contraindre vos serviteurs à conserver votre camp, et vos alliés à ne point vous trahir. Et aucun ennemi ne pourra jamais tenir votre Cité si il s’y trouve entouré de gens qui vous aiment. »

Danwell Frey secoua la tête avec désintérêt.

- Votre vision toute entière se fonde sur ce que, chaque homme remplissant ses vices et protégeant son groupe, et ceux ci différant de nature selon la condition et la culture, il tient à vous de vous imposer comme le seul capable de garantir en même temps ceux là et quelques sécurités dans le niveau de vie. L’homme est vil autant que vicieux ; ingrat et égoïste, il vous produit dans le besoin une aide satisfaisante seulement si vous l’avez attaché à votre intérêt et qu’il vous croit seul pourvoyeur de ses bien ; je conviens bien donc qu’il faut produire cette illusion chez lui, et vous verrez alors chevaliers et sergents s’engager à votre nom et en celui du lien vassalique contre des ennemis cinq fois supérieurs en nombre. Cela est pour autant très fortement lié au statut même de ces hommes, qui demande loyauté, parfois presque aveugle. Mais à ce titre, être craint vaut mieux qu’être aimé ; car si vous vous voyez pourvoyeur de quelque chose, il suffit à celui qui veut votre place de reprendre vos moyens et de les manifester promptement pour qu’on oublie votre bonne nature. L’amour et la bonté manifeste dans ce que vous donnez quelque forme de paternalisme, une bonne volonté qu’on peut reproduire aisément ; alors que la peur peut être remplacée par une peur encore plus grande. Et si certains de vos hommes liges doivent vous aimer, il est mieux que vos sujets vous craignent par une brutalité mesurée et une légende surfaite. Car si ils ne sentent pas les effets trop durement, vous les maintiendrez dans l’union et la confiance.

- Nous ne différons pas, encore une fois, sur de nombreux points ; mais je suis fortement en désaccord avec vous sur les autres. Pour ma part, je me plais à penser qu’un peuple heureux et doté de gratitude, pour peu qu’un peu d’illusion et un peu de besoin s’y attache, produira plus que celui maintenu dans la terreur de vos armées. Le Roi Valarr produit pour moi cet exemple, car c’est sans doute le plus adulé de sa lignée, mais il règne plus directement sur les grands seigneurs que les laboureurs.

Le débat se poursuit en ces termes et sur ce sujet jusqu’à la fin de la partie ; arguant sur des valeurs comme le respect, la crainte, l’amour, le désir et l’illusion, mais sans parvenir à se départager. Se quittant à la fin de cette chaude journée d’été pour revenir à leurs affaires de gouvernement, Danwell Frey, avant de quitter son fils, s’adressa à lui en ces termes.

«  Une chose peut certainement être rapprochée en ce subtil personnage et notre famille : les Frey sont des marchands devenus conquérants, et les Tully de Tyrosh sont des conquérants devenu marchands. Peut être que nos règnes sont mêlés de ces deux valeurs dont nous arguons : la crainte et l’amour. Sans doute que le respect que nos sujets et ennemis entretiennent à notre égard est tout aussi important que ces deux choses, et en fait partie intégrante, car un homme qui n’estime pas les capacités de son chef ne le suivra pas en toute chose. Et voilà, l’histoire progresse : Harwyn le Conquérant était haï et craint, mais loué pour ses travaux ; Valarr Ier est aimé et vénéré, mais remercié pour les guerres qu’il mena. L’un comme l’autre s’inscrivent peut être simplement dans une lignée de grands hommes à la figure nuancée. Les conquérants précédent les administrateurs. Je ne peux, à cet égard, que placer mes espérances en vous ; j’ai trop guerroyé et j’ai trop eu d’ennemis dans ma vie pour ne pas aimer être craint. La fortune des Frey est assurée, mais notre pouvoir doit demeurer, et il vous appartiendra de le maintenir à ses titres de gloire.
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