Messages : 266 Date d'inscription : 13/11/2016 Localisation : Fort-Chêne
Sujet: Les flots de l'hiver Sam 7 Oct - 16:42
PARTIE I
En repos dans ses appartements, le Roi des sept couronnes méditait patiemment, la cheminée ronflant comme une forge. La chaleur était immobilisante et envoutante comme un chant de sirène, et Valarr vivait comme une souffrance le simple fait de songer à se lever. Au dehors, un froid hivernal désormais bien réel filtrait les sons de son manteau de neige et de givre. A la fenêtre, les carreaux semblaient sur le point d'exploser tant le givre les soumettait à une pression violente. Chaque fois qu'il contemplait la mer, agitée et violente, comme si le dieu Noyé se débattait contre l'emprise de l'hiver, le Roi vivait comme une gratitude divine d'être en intérieur. Ce terrible temps qui frappait depuis trois jours la ville se faisait il l'annonciateur des terribles combats qui attendaient Westeros au delà de ses frontières naturelles?
Il était terrible, pour un Roi, de se faire l'égide d'un aïeul comme Harwyn Ier, qui constamment porta la guerre en dehors de ses frontières. Sagace et puissant, épaules solide et visage parfaitement cadré, victorieux de plusieurs violents conflits, monteur d'un dragon dont seul les plus terribles légendes de ce monde faisaient figure de comparaison, Valarr était un Roi qui avait tout pour entrer dans la légende comme illustre parmi les illustres. Pourquoi, alors, se sentait il si illégitime à régner? Comment quelqu'un doté d'autant de don, et d'une vie si confortable, pouvait il trouver si peu de réconfort à contempler ses sujets?
Le pâle seigneur Velaryon, le dur prince de Peyredragon, le masque du lépreux et le sang noirâtre de Naerys... Était ce donc l'apanage d'un Roi que d'être entouré de si morbides sujets? Il n'avait ri que deux fois cette semaine : la première en entendant le plan de Lord Rykker, la seconde quand on lui rapporta son exécution.
On usa du bois de la porte en toquant dessus. S'arrachant à la douceur des flammes, le Roi se leva d'un air engourdi, et marcha dans la raideur d'un homme dont les articulations se remettent en place vers la porte. Par habitude comme par attente, il avait deviné la présence de son frère Hoster derrière la porte, qu'il ouvrit non sans lancer un regard ferme à son invité, comme s'il souhaitait à tout prix ne pas faire témoignage de faiblesse.
- Mon frère. Entre, je te prie.
Peu loquace, le chevalier en armure noir pénétra dans la pièce et tira une chaise à lui, victime du même attrait pour l'âtre flamboyant. Les deux s'assirent, mais Valarr n'eut pas le luxe de contempler le feu plus longtemps.
- Il est des sujets dont je doit entretenir sa Majesté. Nous avons reçu maintes et maintes lettres de seigneurs en réponse à notre convocati... notre appel. Trois mille lances ont été réunies ici. Mille de plus viennent du Val, et trois mille du Conflans, plus une dernier millier en provenance des autres régions. Conformément à l'approche que vous avez suggéré, seuls les francs coureurs et chasseurs expérimentés, les reitres et mercenaires fiables, ainsi bien sur que les sergents et chevaliers seront présent. La flotte est sur le pied de guerre.
Valarr avait désormais les coudes sur les genoux, les mains jointes, et le menton sur les mains.
- Rien que nous n'avions pas déjà anticipé. Eh bien?
- Eh bien, dans le meilleur des cas, nous partons après demain avec cinq mille hommes, et croisons les doigts pour en voir arriver cinq mille autres si la guerre s’enlise.
- Je connais ces chiffres, encore une fois. Pour tout dire, ils surpassent légèrement les estimations de Lucerys. Et les généraux, les chevaliers, qu'en est il?
Hoster émit une moue rébuté.
- Ce ne sont pas les héros de conte qui gagnent les guerres, Valarr.
Lequel souffla la remarque d'un geste de main, à l'irritation d'Hoster, qui reprit :
- Evelyne Rowan a commandé à Garlann de rester à Hautjardin, aussi vient elle en personne avec cinq Du Rouvre dont Garth. Harwyn Rivefort vient en personne, ainsi que les Lychester de la garde personnelle de Brynden Tully. Mace Belmore et Mace Rougefort, Denys Corbray, Melchior et Arthur Egen, Eddard Moore. Beaucoup de Nordiens également.
Il marqua une pause.
- Mais aucun d'eux ne vaut cinq mille hommes en armes. De bons soldats, de l'or et des dragons, c'est avec cela que nous combattons, Valarr.
- Les grands personnages inspirent les hommes de notre camp et effrayent ceux d'en face, les grands guerriers mènent les charges, et les...
- Et les créatures d'Au Delà du Mur les encaissent sans broncher ! Ce n'est pas Tyrosh, mon frère. Nous combattons la fin des temps, et la moitié de tes grands héros jetteront leurs armes en même temps que nos soldats dès qu'ils verront ce que nous affrontons. Les sauvageons sont déjà saignés à blanc. Nous devons nous retrancher sur le Mur et raser tout ce qu'il y a au Nord, si nous souhaitons réellement vaincre.
- Ton avis a été entendu au Conseil, et je l'ai rejeté. Nous frapperons un grand coup avec Varagrim, Bjarrn ou peu importe quel Roi sauvage qui se présente à notre aide avec ses dizaines de milliers d'hommes. Ce n'est pas une menace que nous pouvons délayer.
Valarr commençait à perdre patience. Hoster avait quelque chose qui empêchait le Roi de s'énerver ; une rigidité, une constance métallique dans son caractère, un voile de fer dont il ne se dévêtait qu'en la présence de sa fratrie, et même pas avec son fils, qui était la preuve d'une forme d'amour fraternel auquel il ne souhaitait renoncer.
- Tes actions d'éclat impressionnent peut être le petit peuple, mais elles ne valent rien contre un ennemi qui ne combat pas pour la gloire ni pour le territoire. Tu gagnes une grande victoire là ou j'en accumule cent petites.
Mais la tension était trop importante pour Valarr, qui se leva en faisant racler sa chaise sur le sol de pierre. Il tourna en rond dans la pièce quelques temps, les mains jointes derrières lui.
- Nous allons rencontrer l'apocalypse dans la Forêt des Freux. C'est ma décision de Roi, et tu feras avec. Demain est heure de mariage, et j'entends bien que cette fête fasse vibrer le cœur de tous. Aussi, cesse donc de m'accabler de tes opinions, car je n'en ai que faire.
Hoster s'apprêta à parler avec grande morgue, mais d'un geste de la main il fut induit au silence. Le Roi lui indiqua la porte.
- Bonne nuit, mon frère.
Le seigneur de Peyredragon se leva et s'éloigna après s'être incliné. La porte en bois claqua, et dans l'âtre, une buche se fendit en deux.
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Sujet: Re: Les flots de l'hiver Sam 7 Oct - 16:43
PARTIE II -
Même musique.
***
La salle du trône, dans son immensité, écrasait intégralement la silhouette d'Aethys. Celle ci, légèrement ample au niveau de la panse, les cheveux cuivre ondulants dans son dos, lui donnant un aspect détaché qui contraste avec le sérieux de ses yeux. Les bras larges et les jambes fermes, le tout avec une proportion suffisante pour ne paraître corpulent que de près, et l'épée ceignant sa ceinture compensant son surcot et sa ganache de soie un peu trop léger pour un Prince.
Derrière lui, son frère, svelte et solide, les cheveux blonds comme le blé, dru et réguliers, qui lui donnent un air militaire en campagne et simplet en ville. Plus grand mais paraissant amenuit par le charisme barbare de son frère, qui faisait figure à côté de lui d'un de ces sauvages de Nordiques en permanence choppe à la main. Les deux faisaient une paire indélébile, mais qui manquait de la prestance des femmes de la famille. Il fallait les entendre et les voir pour saisir ce qui faisait d'eux des personnages si immensément respectés.
L'immense hall était un champ de bataille. Des tables, des chaises, des plats en argent, des morceaux de nourriture et des coupes en acier jonchaient le sol. Les draps blancs et pourpre qui faisaient office de dessous de tables étaient tâchés et déchirés. Un vaste corridor de propreté relative s'ouvrait de l'entrée jusqu'au trône, aménageant un passage digne de leur condition aux deux princes. Sous les arcades de part et d'autres du hall, des braseros de fer étiraient immensément les ombres des deux personnages, qui avançaient comme deux fantômes dans la pénombre.
Sur l'immense trône, à plusieurs pieds de haut, le Roi était las. Une coupe de vin à la main qu'il faisait tourner négligemment comme pour tuer le temps, il semblait autant dans l'attente que dans la mélancolie. Au pied des marches, en harmonie avec le décor d'après guerre de la pièce, Errek Greyjoy lissait pensivement son épée, assis à même les marches, avec Lewys Kenning à sa droite raide comme un piquet, lui.
Ils n'étaient qu'à une dizaine de pas du trône quand un battement d'ailes se fit entendre. Une série de pas réptiliens, comme si un lezard rampait contre les murs. La créature filait au travers de la pièce à une allure terrible, projetant contre les murs une ombre effroyable. Un petit bruit d'air et de muscles se fit entendre, et un éclat doré s'envola. Luceryon, le dragon d'Harwyn, se posa sur son épaule. Cette vision fit sourire le Roi qui passait pour une statue un instant plus tôt. Il se leva, et descendit les marches pesamment. Un aura de puissance et d’inébranlablement flamboyer en lui même dans ces gestes simples, comme les écailles brillantes de la royauté transposée en un homme. C'est dans ces gestes élémentaires que la puissance de Valarr Ier transparaissait. Il ouvrit les bras en grand comme un prêtre accueillant ses orphelins.
- Mes fils. Cette pleine lune qui brille dans le ciel marque la fin d'un heureux jour. Ce soir, votre sœur devient reine de son monde.
Aethys sourit en imaginant la relation qui devait ce soir germer entre les deux brutes Arghan et Asha. Malgré la vision douteuse que cela représentait pour la famille de la mariée, l'apparente neutralité de la jeune femme suscita plus de joie qu'un million de ses sourires. Le promis survivrait donc à sa première nuit de noces.
- Il est certain, mon père, que cela s'est passé au delà de toutes nos espérances. Rendez vous compte que j'ai vu Asha sourire non pas quatre mais cinq fois dans la soirée ! Mais seulement après le vin de Dorne.
- Quel mauvais prince tu fais, Aethys, a attribuer à l'alcool seul ce que nous devons au merveilleux caractère de ton beau frère qui est aussi mon fils.
Le roi dit ça avec une pointe d'humour, mais en pensait plus qu'un mot, car Arghan s'était trouvé être quelqu'un de bien plus agréable qu'on ne l'avait souhaité. Bien entendu, il conservait des inimités à la cour, et la famille royale conservait une certaine réserve. Mais le jour était heureux. Harwyn, qui se réservait sans se cacher pour autant, s'exprima.
- Vous nous avez mandé spécialement, mon père?
- Tout à fait. Je souhaitais passer cette soirée en votre compagnie, car vous partez demain avec les premiers navires. Il faut que nos cavaliers arrivent à Blancport avec un peu d'avance sur les dragons, sans quoi nous arriverions à Château Noir sans escorte. Je souhaitais également que...
Le regard pétrifié d'Aethys l'interrompit. Tous les muscles du jeune homme semblaient s'être relâchés, et son visage exprimait la plus pure stupéfaction, alors qu'il regardait par delà le trône. Surplombant le siège du pouvoir, l'immense dôme de verre soutenus par des colonnes de marbre rouge donnait sur le ciel. Dans celui ci flottait quelques nuages éparses, laiteux et arachnéens. La lune, se faisant discrète, laissait à la magie de l'instant un esthétisme plus ésotérique.
Dans le ciel, au loin à l'orient, entre deux étoiles, flottait une comète d'un rouge grenat, avec une chevelure vermeil-corail qui semblait brûler même à cent mille lieues de distance. Dans son halo orangé, une poussière d'argent se voyait même à l’œil nu.
Un terrible silence s'installa dans la pièce, contemplant le corps céleste qui habitait désormais le ciel de Port Réal.
Sur l'épaule de son maître, Luceryon eut un petit cri cristallin.
Dernière édition par Maitre Chêne le Dim 8 Oct - 22:32, édité 3 fois
Maitre Chêne Admin
Messages : 266 Date d'inscription : 13/11/2016 Localisation : Fort-Chêne
Sujet: Re: Les flots de l'hiver Sam 7 Oct - 16:44
PARTIE III
La porte de la cage s'ouvrit dans un crissement mélodramatique et laissa passer trois guerriers en armure recouvertes de fourrures, suivis d'une escouade de piquiers et de sergents d'armes aux mines dures. Dans la cour, des rangers de la Garde de Nuit, dans leurs imposants manteaux, s'entrainaient avec des hommes en armure de plate, en mailles et en cuir bouilli, portant divers héraldiques ; la hache Cerwyn, les pins Tallhart, et le griffon gris sur fond rouge Redstark pour la majeure partie. Plus loin, juché à cheval, un chevalier en armure bleu-verte attendait patiemment, comme une statue de givre. Derrière lui et partout autour de lui, la soldatesque Manderly s'affairait à décharger les provisions, les armes, les tonneaux qu'ils amenaient avec eux.
Le premier des trois hommes était Jon Redstark. Un air martial et détestable hantait son visage comme la marque ultime de son ascendance bâtarde – chose qu'il ne valait mieux pas dire à voix haute tant que Errold et Torrhen, ses deux fils, se trouvaient là. La fierté de ces trois là était aussi virulente que leur violence réputée, et un petit air des Trois Ours leur était resté. Il était du reste comique de constater le mélange étrange de noblesse et de brutalité qui habitait leurs traits, comme le parfait hybride du Nord et du Val.
En face d'eux, le regard vide d'émotion du non moins jeune Benjen Manderly rendait la situation étrangement comique et prenante. Les trois Redstark s'avancèrent, et le pantin sans vie qu'était l'héritier de Blancport sembla se réanimer, et une petite lueur amusante réhabita ses yeux.
- Lord Jon. Lord Errold. Ser Torrhen. C'est donc entre chevaliers que se déroulera ce premier concile militaire...
Le regard des intéressés exprimait qu'en tout et pour tout, un grognement leur aurait parut réponse adaptée au discours du freluquet, mais un élément les fit tilter, et Errold répondit pour son père.
- Le Lord Commandant Glover n'est pas chevalier, que je sache... N'assiste il donc pas à la réunion ?
Le jeune homme élimina la question d'un geste de main dédaigneux.
Hélas non. Le généreux Endrew semble désapprouver fortement l'idée d'une expédition pour prêter main forte aux sauvageons, et semble de toute manière marqué gravement des séquelles de sa séquestration.
Cette fois, le grognement tient bien lieu de réponse. Faisant comme s'il n'avait rien entendu, Benjen enchaîna.
- Combien d'hommes avons nous déjà ici?
- Seize cent. Un tiers de Fort Terreur, un tiers de Winterfell, un tiers de la Garde plus quelques Cerwyn, quelques Tallhart, quelques Flint. Trois mille Mormont et Glover attendent à Tour Ombreuse avec trois cents frères jurés, et cinq centaines de Stark supplémentaires font jonction avec mille Omble. Avec vos cinq cent épées et les cinq cent restant de la Garde à Fort Levant, cela nous fait un total de peut être huit mille hommes si les Lake, Norroit et Burley ne sont pas trop lents.
Peu loquace mais visiblement grognon à ce sujet, Torrhen ajouta :
- Un homme à nous pour dix sauvageons, sans compter les troupes qui doivent garnir le Mur. Si les envoyés du Rôdeur ne nous rapportent pas de mensonges, les créatures d'Au Delà du Mur sont au moins cinq fois aussi nombreux que nous. Sans compter la magie des Marcheurs.
On sentit que sa phrase complète aurait été "... si ils existent", mais le scepticisme n'arrangerait rien à une situation déjà compromise. De plus, l'orgueil Nordien était en jeu, car cet Ennemi, pour fictif qu'il soit, était le même que Rodrik Stark avait affronté cinquante deux ans plus tôt. S'il s'avérait que cette menace était inexistante, l'honneur de la famille Stark, et par la même de tous ses vassaux, serait fortement remis en question. La guerre... Rien de bien réconfortant pour le cœur des Premiers Hommes.
Aegor
Messages : 24 Date d'inscription : 02/09/2017
Sujet: Re: Les flots de l'hiver Lun 9 Oct - 22:12
PARTIE IV
Evelyne Rowan observait, depuis la proue du navire commandant, les hommes affluer sur les bâtiments qui cernaient les quais du Port de la Nera. Depuis ce promontoire improvisé, Evelyne apercevait les couleurs et les étendards Velaryon, Bar Emmon, Rosby et Rikker, qui se répartissaient, selon ses consignes données la veille, sur les divers bâtiments de guerre, drakkars et dromons qui monopolisaient l’activité du port. La Garde de Nuit étaient en difficulté, et les Autres, ces êtres légendaires, étaient de retour. Le Roi avait décidé de voir l’ennemi de ses propres yeux, et avait convoqué un ost général pour cette guerre Au-delà du Mur. Il avait donc fallu réunir tous le soldats à Port-Réal, afin d’apporter l’armée fraîchement formée dans la zone de guerre, en employant la voie maritime. La manœuvre était d’ailleurs presque finie, et l’ost des vassaux des terres de la Couronne seraient bientôt prêts à partir au combat. Restait encore l’ost du Conflans, les ost Frey, Lychester, et quelques hommes Tully, selon les dires de ce dernier. Ce lépreux prétentieux n’attendait plus que le départ des bateaux pour prendre la route vers le Nord à dos de dragon. Son caractère ambigüe et assuré énervait Evelyne au possible, et elle avait le désir secret de descendre Brynden du dos de son animal, pour lui faire tâter de sa lame dans un combat à terre. Elle avait rouillé, ces dernières années, elle n’était plus dans la force de l’âge, mais elle se savait encore capable de donner une leçon à quelques garnements qui ne sentent plus leurs chevilles avec la charge de suzerain.
Alors qu’elle suivait le fil sinueux de ses pensées, elle vit du coin de l’œil un chevalier se démarquer de la masse des soldats, pour monter sur le poteau et venir vers elle. Elle reconnut du premier coup d’œil l’emblème Tully sur l’armoirie du gentilhomme, semblables à celles que portait son tout premier mari. Seulement, les couleurs de ce sire étaient plus marquées ; la truite dédaigneuse et provocante se démarquait du fond blanc par ses contours pourpres et ses traits marqués. Elle avait donc en face de lui l’un des nombreux descendants du Magnifique, un des Tully de Rivefort. Lorsqu’il fut à un pas d’elle, elle reconnut Harwyn Rivefort, le Lord de la nouvelle branche Tully. Encore un des nombreux jouvenceaux dont elle avait contribué à l'éducation. Le damoiseau avait les cheveux bruns comme l’écorce, qu’il portait soyeux et coupés courts. Sa fine barbe marquait ses traits fins et ronds, et ses yeux vert-dorés couvaient un regard duquel ressortaient une vivacité d’esprit et un sens de l’observation tout particuliers.
« Lady Targaryen, c’est un plaisir de vous revoir fit Harwyn.
-Vous avez grandi, Lord Rivefort... Ne soyez pas si civil. Je suppose que l’on vous a envoyé me porter assistance. »
Elle sentit sa voix chevrotante écailler sa gorge sèche, mais elle sut malgré tout que son timbre restait toujours aussi autoritaire que lors de ses plus vives années. La réaction d’Harwyn confirma ses pensées.
« Tout à fait, Milady. Je me suis même permis de prendre l’initiative. Les bateaux restants sont tous à quais, et n’attendent plus que se remplir de soldats pour partir. J’ai formé les rangs Tully, Lychester et Frey, avec les lords des maisonnées. Nous n’attendons plus que votre présence et vos ordres pour répartir les hommes ; je voulais que chaque soldat de cet ost ait l’occasion de vous voir et de se sentir rattaché à votre personne.
-Vous me surestimez, et vos hommes aussi,fit Evelyne avec un léger sourire qui dénotait que le compliment ne laissait pas sa fierté indifférente.
-Peut-être qu’ils vous surestiment, mais n’est-ce pas là l’essence d’un symbole : son aspect extravagant ? Et puis, si moi je vous surestime, vous m’apparaissez plutôt du genre à vous rabaisser, lady Targaryen. Une génération entière de chevaliers vous a pris pour modèle !
-Cessons là les flatteries, Harwyn, cela m’insupporte. «
Elle ne voilait rien, et, dans son franc-parler, elle avait naturellement commencé à tutoyer le Lord qu’elle voyait comme un nouveau neveu.
« Mais ne vous en faites pas, je ne saurais tarder. J’attends la venue de Lord Velaryon, et je serai ensuite toute a votre disposition pour embarquer l’ost du conflans.
-Merci Milady, je ferai en sorte que tout soit pour le mieux. Les « Autres » n’ont qu’à bien se tenir… »
Et pour ponctuer sa phrase, il tourna les talons et prit congé d’Evelyne. Sa démarche était typiquement celle d’un militaire rompu à la guerre et à toutes ses subtilités, de la diplomatie jusqu’à l’art du champ de bataille. Cet homme était bon. Très bon. Mais pas excellent. Le souvenir d’Harwyn revient fugacement à la mémoire si conséquente d’Evelyne. Curieux, que la veille d’une bataille aux aspects si mystérieux et flous, face à un ennemi inconnu, que la présence d’Harwyn Tully, devenu Targaryen pesait dans sa conscience. Ce n’était pas la première fois : la veille d’une grande bataille, Evelyne avait souvent douté de ses décisions, et pour se rassurer, elle se persuadait que ses choix auraient été les mêmes si elle e trouvait être Harwyn Ier. Ou, quand la fierté familiale renaissait, elle se rêvait Lady Rowan, plus forte et plus brave encore que son gredin de père, vieux fourbe de Logan...
Alors que la mélancolie qui la gagnait en même temps que l'âge, les silhouettes marquées de Daemon et Jacaerys Velaryon se dessinant en contrebas la rappelèrent à l'ordre. Evelyne apposa ses mains au bastingage, et y fit craquer avec soin ses doigts racornis. Les dés étaient jetés, quoi que l'on fasse. Il ne restait plus qu’à voir ce que les légendes autour des Autres comportaient comme part de vérité.
Dracnor
Messages : 73 Date d'inscription : 13/11/2016 Localisation : Maison Tully du Conflans
Sujet: Re: Les flots de l'hiver Mer 11 Oct - 22:31
PARTIE V
Cela faisait deux jours que les six dragons adultes et leurs cavaliers avaient quitté Âtres-les-Conflins. Leur bref passage avait été marquant pour la maisonnée, et pour cause : il y avait là le Roi, son frère, Lord Tully, deux Velaryon, et Hill, ainsi que leurs montures et leur garde.
Ce petit groupe réunissant les plus grandes forces de destruction de Westeros était désormais sur le point de lever le bivouac. Leurs gestes étaient marqués par la routine : chaque jour, ils devaient faire des pauses pour que leur escorte puisse les rattraper et pour que les dragons se reposent, faire un camp avec l’avant-garde de l’escorte, se restaurer, attendre l’arrière-garde, repartir. Tous savaient qu’ils auraient pu atteindre le Mur bien plus rapidement sans leurs gardes. Avant de grimper sur la selle du Croc du Roi, Valarr Ier pris la parole :
-Sers, amis, frère, nous devrions nous poser sur le Mur dans quelques heures. Nous passerons la nuit à Chateau-Noir, puis repartiront vers Fort-Levant. La Garde attend notre visite, ne les décevons pas. Ils gardent les royaumes des hommes depuis des millénaires, nous leur devons respect, et encore plus aux prémices de la Guerre de l’Aube.
Hoster, le Velaryon mutique et le Tully haussèrent un sourcil révélateur.
-C’est parce que cet ordre a commencé à ne plus être respecté à sa juste valeur qu’il en est réduit à son état actuel, sers. Ne répétez pas cette erreur. Nous allons porter le Feu et le Sang par-delà le Nord, portons également avec nous la grandeur de Westeros et de ses hommes.
Tous acquiescèrent, bien que plus sceptiques que le Roi, puis enfourchèrent leurs bêtes. Loués soient les maroquiniers ayant conçu les selles, ces dernières s’adaptaient fort bien au froid. Sinon les monteurs auraient étaient réduits à s’allonger sur la croupe et se cramponner… Chose d’autant plus difficile qu’ils avaient sur le poids les kilos de fourrure requis à un vol en altitude, ainsi qu’une armure légère.
L’envol bouleversa la terre sous le choc, et le raffut terrorisa probablement toute la faune alentours. L’escorte elle-même était intimidée.
D’en haut, le Mur était parfaitement visible. Fin serpent bleuté masquant l’horizon, il grossissait de coup d’aile en coup d’aile. Il était si imposant qu’à l’altitude du groupe, c’était sans doute l’élément le plus large de leur panorama. Sous eux, la route royale était réduite à un cheveu. Les forêts s’étalaient à perte de vue, tapis blanc moucheté de vert, comme s’il avait neigé sur le Bief. En bas, un coup de vent souleva un nuage blanc. Là-haut, ce n’était rien à côté de la puissance des battements d’aile des souverains du ciel.
Le froid était redoutable, plus encore que l’air d’altitude. Tully avait doublé son masque d’épaisseurs de soie, et peut-être était-il ainsi le mieux loti. Et pourtant les dragons progressaient, constamment, dévorant les lieus comme rien d’autre ne saurait le faire.
Ils furent bientôt en vue de Chateau-Noir. Ce dernier ne méritait pas son titre : il n’y avait là rien d’un château. A l’intérieur, les monteurs pouvaient voir leur avant-garde qui avait commencé à sécuriser les lieux. Meharion se posa devant l’entrée de Château-Noir. Il était trop grand pour entrer dans la cour. La garde du Roi s’empressa de dégager une haie d’honneur. Le Roi des Sept Couronnes, en armure légère et couvert de manteaux de fourrure enneigés, tout juste descendu de son dragon, remonta la cour. Son regard glissa sur tous les frères noirs, et un hochement de tête appréciateur témoigna occasionnellement de son estime. Il arriva enfin devant le Lord Commandant :
-Lord Commandant, c’est un honneur d’enfin vous rencontrer. Je regrette que ce soit en de telles circonstances. Westeros a entendu votre appel. Ses meilleurs chevaliers et ses dragons sont venus pour vous soutenir dans la défense du royaume humain.
Valarr Ier n’avait sans doute pas fini son discours. Toutefois, sa voix fut coupée par le rugissement de Barral qui déposa Hoster au sommet du Mur. L’édifice millénaire frissonna lorsque les serres du dragon se plantèrent dans la glace. Les hommes en noir étaient stupéfaits ; et terrorisés. Le Roi en profita :
-Hommes de la Garde ! Nous sommes ici pour combattre l’ennemi ancestral des hommes. Nous n’allons pas combattre les Autres. Nous allons les vaincre. Nous allons prouver la vaillance des Sept Couronnes !
Embruns et Vif-Azur, plus petits, parvinrent à déposer leur monteur dans la cour tandis que Souffre et Jaghar confiaient leurs cavaliers à la cime du Mur.
Six dragons, chacun une merveille, volaient autour de Chateau-Noir. Dans les yeux écarquillés des frères noirs, ils sonnaient comme autant de cors promettant leur victoire.
Maitre Chêne Admin
Messages : 266 Date d'inscription : 13/11/2016 Localisation : Fort-Chêne
Sujet: Re: Les flots de l'hiver Jeu 12 Oct - 16:01
Partie VI (en travaux, pas très importante)
Maitre Chêne Admin
Messages : 266 Date d'inscription : 13/11/2016 Localisation : Fort-Chêne
Sujet: Re: Les flots de l'hiver Jeu 12 Oct - 20:27
Partie VIII : Les vents des dragons
Les soldats l'appelaient la Trachée du Dragon, ou bien plus simplement le Sentier de Feu.
En arrivant au Mur, le Roi et ses chevaliers n'avaient pas eu le luxe de la patience. 7.000 hommes étaient réunis, 10.000 autres étaient en chemin. Mais sur la Grève de Sang - c'est ainsi que les sauvageons nommaient cet affreux territoire qui formait le bastion des Autres - la situation était sur le point de tourner en faveur de l'armée des morts. Les assauts de force brute des sauvageons et les cairns enflammés n'y suffisaient pas.
Il avait fallut partir immédiatement. Après tout, une simple ligne droite séparait les dragons de leur destination. Mais pour les soldats? Comment transporter autant de nourriture, de chevaux, d'hommes en arme jusqu'au lieu du combat?
Hoster avait apporté la solution.
Les six dragons du Roi avaient avancés en lignes droite en brûlant systématiquement tout ce qui se trouvait en dessous d'eux sur pas loin de cent lieues. Trois jours complet à se relayer pour carboniser un sentier à travers la forêt pour les armées qui suivaient. Quand il fermait la marche, le Prince de Peyredragon contemplait avec une fascination mitigée les terres carbonisées qu'ils laissaient sur leur passage. Il ne subsistait rien, pas même des troncs, quand les plus gros dragons s'y mettaient. Une avancée rythmée par la dévastation systématique. Hoster s'était surprit, dans les premiers jours de cet inquiétant voyage, à se découvrir une fascination terrible pour cette annihilation, et en conçût une méfiance envers ses propres folies, mais comprit rapidement qu'il s'agissait plus d'une fascination de stratège contemplant son œuvre que de pyromane compulsif.
De loin le plus expérimenté militairement des six personnages composant cette étrange chevauchée aérienne, il était aussi le plus incertain. Pas le plus apeuré, ni le plus interloqué, non. Simplement le plus incertain.
Une gerbe de feu immense s'échappa de Barral, secouant les pins sous la déflagration avant même que le feu ne les atteigne et ne les consume presque dans la même seconde. D'ici deux lieues, on approcherait des armées sauvageonnes, et il faudrait s'arrêter, ne serait ce que pour donner un repos même bref aux dragons. Et accessoirement pour éviter les dommages collatéraux.
Quand il releva la tête de son œuvre, Hoster discerna la mer à l'horizon. Juste devant l'immensité bleue, une bande de terre irrégulière et dégradée : des couleurs tantôt bleuâtres pour la glace, blanches pour la neige, avec un pointillisme de tâches noires, probablement des soldats. En plusieurs endroits, d'énormes tas noirs mouvants ; des substitut vert éparses ; des amoncellements noirs des terres brûlées.
Se rapprochant, Hoster dénota avec intérêt le faible nombre de ce qui semblait être l'armée des morts. Chose curieuse, à cette distance, elle ne lui faisait pas moitié aussi peur que dans l'attente affreuse du voyage. Un battement d'aile surpuissant faillit le désarçonner quand Jaghar et son monteur le dépassa à toute vitesse. Il n'eut qu'un seul instant pour capter le regard d'Edwyn Hill, qui semblait affreusement apeuré. "..L...MÉE !!!" entendit Hoster. Il se retourna derrière lui, ne voyant rien d'anormal.
Puis, il comprit, dans un énorme choc qui lui laissa les yeux vitreux d'une terreur sans image. La fumée, bon sang, la fumée ! Aucune fumée n'émanait du camp sauvageon. Comment se pouvait il, alors que c'était des cairns en feu qui étaient sensés tenir à distance les Autres et leurs démons?
Les six dragons et leurs chevaliers fonçaient en trombe vers la Grève, sans même prendre le temps de carboniser ce qu'il restait de la Forêt des Freux. Le battement rapide et violent de leurs ailes dégageait une musique des plus lyriques, et on sentait la forêt crier sous les poussées d'airs comme une lame crissant contre du métal.
En s'approchant, ils s’aperçurent que plusieurs voluptes de fumée continuaient à se dégager de la forêt, mais demeuraient d'une minceur à faire pâlir une septa. Le spectacle était plus terrible encore que les sentiers de feu ; des cris, partout dans la forêt, des cadavres au sol tout autour des cairns, et une masse de morts vivants, amas difforme et horrible de milliers de créature, constituant une réserve au loin.
Sans même prêter attention à ce qu'il se passait autour, Valarr descendit en piquée vers la masse immonde. Un vibrant cri de guerre jaillit de sa gorge, que le son du dragon fondant vers le sol ne parvint pas à couvrir. C'est un piège ! se dit il avec horreur. Comprenant le danger de la situation, Hoster se retourna sur son dragon et fit de grand mouvement de bras, signe de négation, et cria du même coup "N'Y ALLEZ PAS ! N'Y ALLEZ PAS !". Ce faisant, il se retourna et se précipita lui derrière son roi.
S'accrochant au cou de son dragon, il hurla en haut valyrien "EN AVANT !".
Barral déploya ses ailes immenses, et se laissa descendre jusqu'à effleurer les pointes des pins qui subsistaient encore. Tout à coup, le bruit de la guerre se fit entendre aux oreilles d'Hoster : les cris, le fracas des armes, la terreur et la fureur... Sous ses yeux, le paysage défilait à toute vitesse, une immense clairière en pleine bataille, les pins, une zone défrichée, la lisière de la forêt. Puis la plaine, immense, brûlée, habitée par de rares cadavres, le tout passant à toute vitesse sous ses yeux.
Puis, la guerre. Barral, descendant jusqu'au ras du sol, remonta d'un coup sec, se servant de ses ailes massives comme d'un amortisseur, et se trouvant immédiatement en face de la masse des morts. Celle ci se dispersait avec effervescence dans toutes les directions. Des squelettes armés, des créatures humanoïdes de chaire putréfiée avec des lambeaux de peau de bête, des patrouilleurs tout de noir, et même des biches, des loups, des ours... Le tout noir, carnier, tel le résidu ramené à la vie d'une tannerie. Nul trace de ce bleu cristal qui cristallisait l'ennemi, le vrai adversaire. Trop peu nombreux, ils sont trop peu nombreux.... Hoster était comme perdu, anesthésié par le choc. Il n’apercevait même plus Valarr et Meharion.
Face à lui, la horde des morts. Et puis, le ciel, car le long cou blanc aux reflets rouges de Barral se cabrait en arrière, presque debout dans les airs. Un souffle chaud caressa le visage hébété d'Hoster, ultime rappel, quand l'immense dragon projeta une immense gerbe de flamme sur la masse, qui, bien que dispersée, fut pulvérisée au tiers dans un cruel silence. Les morts ne crient pas deux fois.
L'expression du Prince de Peyredragon se crispa. "MONTE !" Majestueux et servile, Barral battit des ailes et tournoya sur lui même, tandis que son frère Meharion passait, posé au sol juste à côté, carbonisait ce qu'il restait de l'armée des morts. Sur la grève, les quatre dragons Velaryon, Tully, Hill, passaient en planant au dessus des armées de la nuit, délivrant un feu cathartique et changeant à jamais la couleur de ces plaines du noir pour le blanc.
Les idiots ! Barral se posa au sol, interceptant la trajectoire de Valarr et son dragon, qui dut atterrir comme une météorite sur ces landes carbonisées. Le visage courroucé de Valarr se mêlait à la surprise. Du haut de son écailleux destrier, il cria :
- Es tu fous, mon frère?! Tu ne sais donc pas mener ta mon...
- La forêt, sombre fou ! Ils sont dans la forêt, ce n'était qu'une diversion !
Au milieu de la bataille, alors même que Vif Azur passait en piquée en arrière plan, le Roi eut un air stupide. Il articula chaque mot.
- Il nous suffit de nous envoler, mon frère.
- Es tu idiot ! Ils savaient que nous allions viser le gros de leurs forces ! Ils ne peuvent pas avoir sciemment laissé une telle réserve inutile !
Valarr secoua la tête.
- Nous verrons bien. Je m'en vais trouver ces créatures.
Et battant des ailes, Meharion reprit son envol, grimpant de plusieurs mètres avant de repartir vers la clairière aperçue plus tôt. Hoster poussa le juron le plus furieux de sa courte vie. Il donna un petit coup de talon au dragon, qui, instinctivement, se levait déjà pour suivre le Roi. Hoster leva la tête. Il suivit du regard Valarr, qui avait à nouveau franchi la lisière de la forêt.
Brusquement, un froid immense s'empara du Prince de Peyredragon, alors que sa monture s'envolait. Son échine se glaça. Il avait déjà ressenti cela, à Tyrosh, avant que le gregoi n'explosa. Le cou de Barral se tordit lorsqu'il tourna la tête vers le nord. Le bruit d'un million d'ailes se fit entendre, et avant que Hoster ne s'en rende compte, une nuée de corbeaux aux yeux bleuis se déversaient de la forêt pour fondre sur Valarr et Meharion.
Maitre Chêne Admin
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Sujet: Re: Les flots de l'hiver Dim 15 Oct - 19:25
Dans un piaillement affreux, la masse horrible des volatiles défunts s'envolait vers Méharion. De sa vie, Hoster n'avait rien vu d'aussi proprement terrifiant ; cette nuée évoquait les pires cauchemars d'insecte, les pires révoltes des lois de la nature. L'angoisse et la peur le dévorait, mais l'urgence étouffa tout autre sentiment.
Mais il n'était pas assez rapide.
Méharion, dans un brusque sursaut, alors qu'il arrivait au dessus de la blanche trouée, se retourna vers les centaines de volatiles cadavériques. Ceux ci commençaient à se déployer pour mieux l'entourer, repoussés par les puissants mouvements d'airs dégagés par les immenses ailes du dragon. Ils n'étaient plus qu'à quelques mètres quand un puissant souffle de feu consuma les plus farouches de cette horde... en vain, semblait il, car les oiseaux se projetèrent vers le dragon et son monteur. Comme harcelé par toute un essaim de guèpes, la terrible monture se débattait dans les airs, tournant sur lui même et rugissant. Hoster vit avec horreur Valarr se protéger contre les attaques d'un aigle encore percé d'une flèche. Et puis, Méharion, dans un dernier hurlement, écarta grand les ailes, repoussant temporairement une partie de la masse, et se projeta vers le sol.
Il s'écrasa comme une météorite ; Hoster voyait dans le sol la terre labourée par le passage du géant, qui balafra la terre sur dix mètres sous lui.
Les oiseaux suivaient le parcours du Roi, mais le souffle de Barral les désintégra. Des nuées éparses subsistaient, et plusieurs gros rapaces semblaient attendre l'occasion de s'en prendre au prince de peyredragon. Ne laissant pas la panique le submerger, celui ci fit appel à toutes ses ressources de volonté et de sang froid pour analyser la situation. En dessous de lui jaillissait de la forêt une horde de morts vivants et de sauvageons fraichement ressuscités. Du peuple libre ne subsistait que des poches de résistance dispersée à la lisière des bois, qui se firent balayer par la petite mais lourdement armée masse.
Au sol, le Roi semblait comme assommé, récupérant ses esprits, tandis que l'immense dragon peinait à se hisser sur ses quatre pattes. Une trentaine de mètres et il serait trop tard.
Barral cessa simplement de voler. Tombant à la verticale et écrasant du même coup les plus sveltes des créatures. Le choc engourdit le dragon comme son monteur, mais eut le mérite de mettre au sol celles des créatures qui n'avaient pas tout simplement été intégrées au sol.
Le sang d'Hoster bouillonnait dans sa tête. Les créatures qui chargaient. Son frère au sol derrière lui. Meharion poussant des râles. Barral qui frappait crocs et griffes ses assaillants. Les créatures à l'attaque. Son épée... Il voulut dégainer.
Tout d'un coup, le froid. Froid étrange,terrible, mais qui ne laissait plus de doute. Chose étrange, Hoster n'avait pas peur, et se sentait habité d'une résolution farouche.
Soudain, Barral rua brusquement, et Hoster chuta au sol, sur la tête.
***
Ce fut crachat enflammé qui réveilla Hoster, passant tout près de son visage, carbonisant quelques cheveux au passage. S'il était resté assommé une minute ou un an, il ne saurait le dire. Quand il releva la tête, ce fut pour voir les derniers des morts vivants se faire balayer d'un coup de patte par Barral, qui saignait abondamment.
Comment pouvait il saigner? Quelle créature pourrait infliger une blessure à un tel être?
Hoster frissonna en levant la tête. Le criaillement des oiseaux. Un cor de guerre sonnant dans la forêt. Le son tapissé et lointain du combat. Devant lui, une créature à la peau pâle, comme vidée de toute substance, d'une telle froideur que son sang aurait gelé dans ses veines. Une sorte de plastron dont la forme et la couleur semblait changer sur le torse, une lame de givre vissée dans la main, comme la prolongation mortelle de son corps. Avant même qu'elle ne se mouva, Hoster voyait défiler avec horreur les images de sa mort, la créature qui allait s'avancer, se pencher vers lui et le planter de cette lame... Derrière elle, trois autres égermaient de la forêt.
Barral souffla à nouveau.
Les flammes, terriblement puissantes, enveloppèrent la créature un bref instant. La plaine était brûlée, un arbre au fond prenait feu, mais l'Autre était toujours intact. En fait, il manifesta une sorte de surprise - simple bruissement, un mouvement moins détaillé qu'avant - au fait d'être intact. Une légère fêlure se faisait voir dans son armure.
Cette hésitation, malgré son caractère absolument infime, fut la brèche dans le dispositif psychologique de la créature, qui permit à la raison d'Hoster de se réveiller, et de s'engouffrer dans la faiblesse même temporaire. Sa main, toujours tremblante, se saisit de Noirsoeur, qui trainait encore au sol. Il se leva et pointa l'arme, faiblement, vers son adversaire.
La créature s'avança de trois pas, et Barral recula. Il a peur ! Une forme massive, rouge et noir, le dépassa en poussant un violent cri de guerre qui rappela à Hoster les milliers de sons qui hantaient l'atmosphère.
- WESTEROOOOOS !
Le cri avait quelque chose de ridicule, jusqu'à que l'acier valyrien rencontre l'étrange métal de l'Autre. Un terrible crissement se fit entendre, se prolongeant dans l'air. La lueur bleutée sembla céder le pas au reflet sombre de Feunoyr, mais ce n'était qu'une botte ; la lame se déroba et faillit trouver le chemin du flanc de Valarr, mais celui ci dévia l'épée, frappa du coude la créature, et bondit en arrière. L'Autre semblait triplement surprit. La main d'Hoster cessa de trembler, et il se jeta en avant.
L'Autre tenta un nouvel assaut, cette fois dirigé contre la tête de Valarr, qui para, dévia la lame, lame qui se déroba à nouveau et tenta un coup de taille, mais les épées sonnèrent à nouveau, et le Roi leva l'épée de son adversaire vers le ciel en tournoyant. La lame ne s'échappa pas des mains de l'Autre, mais celle d'Hoster plongea dans l'armure.
Terrible silence. Un sang bleu s'en échappa.
Le grincement le plus horrible qu'il soit se fit entendre. Une explosion de copeaux de glace, et il n'était plus rien du marcheur blanc.
Un sentiment bizarre, mélange d'exultation scientifique, de ferveur religieuse, d'allégresse soldatesque et d'incomplétude, de doute, frappa Hoster. La peur s'était évanouie et cédait le pas à la confusion ; la fièvre de la guerre.
Devant eux, les trois, non, quatre Autres avançaient. Oh non.
Une flèche se planta au pied d'une d'entre elles.
De la forêt émergeait une forme sombre. De taille moyenne, avançant lourdement comme s'il avait une armure de plate complète sous sa cape, une épée à la ceinture et une arme bien plus rudimentaire rangée en travers de son dos, avec la forme d'une rondache qui s'en arrachait. Le carquois au ceinturon jouxtait l'épée. Il dégageait une forme de noirceur, un aspect de créature de la nuit encore plus prononcé que celui des Autres. Un frère de la Garde? Un grand arc en if dans la main - après coup, Hoster ne sut jamais comment il avait fait pour noter un tel détail - et une flèche à la pointe noire. Les Autres se précipitèrent vers lui, et une nouvelle flèche fendit l'air, traversa la poitrine du plus en avant des Marcheurs ; on aperçut l'espace d'un instant la pointe sortir de son torse ; et il explosa. De la forêt étaient sortis d'autres archers, équipés pareillement.
Une pluie de flèche s'abattit sur les Autres, qui moururent - étaient ils vraiment morts? pouvait on qualifier ça de mort? - tous simultanément. Un d'entre eux seulement échappa momentanément à la terrible averse, mais cela ne lui donna qu'une dizaine de secondes de répit avant qu'il rejoigne ses camarades. Sur le sol, les flèches de verredragon avaient drôle d'allure.
Maitre Chêne Admin
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Sujet: Re: Les flots de l'hiver Lun 30 Oct - 18:07
Partie IIX : Les chants de glace
Harwyn Rivefort se réveilla en sursaut, adossé à l’écorce d’un arbre à l’aspect ancien. La nuit était tombée depuis longtemps et un vent glacial soufflait, faisant siffler et onduler la cime des arbres mordant la peau sensible des soldats. Ses mains aux poings crispés s’ouvrirent lentement, supportant le froid mordant, pour caresser au travers de ses gants de cuir le sol de pinède couvert de givre. L’odeur du bois humide s’était substituée à celle de l’hiver et de la neige, si toutefois on pouvait appeler ça une odeur. Des bruits bien connus de l’oreille du soldat émergeaient du vaste camp dressé dans la clairière.
La clairière, baignant dans la lumière de la pleine lune, semblait être de forme circulaire et mesure des milliers de mètres tant les tentes et restes de feu de bois s’étalaient dessus. Les soldats cherchant tant bien que mal le sommeil, les sentinelles et leur armure cliquetante, les quelques intendants déjà debout comptant provisions et autres futilités, produisaient un tas de petits sons qui se transformait une discrète cacophonie. Plus loin, il entendit le bruit d’un ruisseau qui n’avait pas encore gelé. La rosée matinale, elle, avait déjà colmatée en fine couche de glace après avoir fusionnée avec les restes de neige, craquant sous les pas des soldats.
L’aube tendait à se lever, et Harwyn prit de l’avance sur elle. Il aperçut, au centre de la clairière, les restes d’un feu de camp encore fumant aux braises rouges. Se levant, il ramassa quelques brindilles et bois morts secs et se dirigea en direction du foyer. Le feu reprit vie et réchauffa faiblement le chevalier, dégelant tout du moins ses doigts engourdis par le froid.
Chose étrange, le froid n'était pas si mordant. Bien plus glacial était le cœur des soldats. Ce n'était pas simplement l'inconnu qui faisait peur, ce n'était pas juste ce sentiment de fin du monde face à un adversaire dont on n'osait chercher à comprendre la nature de peur de voir son esprit sombrer dans la folie. Ce que craignaient les soldats, c'était au final le même sentiment que l'on a quand on est en un quelconque point élevé : on a pas peur de sauter, on a peur de vouloir sauter.
Le camp se réveillait lentement. Les soldats enfilaient leurs armures, mangeaient un bout sans demander permission. Les sergents donnaient des ordres inutiles, presque pour combler ce terrifiant silence qui semblait aussi vide que les plaines blanches d'au delà de la forêt. Une demi douzaine de rangées de haut pins étaient la seule chose qui séparait le camp de l'armée du Roi de l'ennemi. Après cela, deux tirs de flèches seulement.
Harwyn n'avait pas emmené son écuyer, aussi il s'équipa lui même, dans un terrible silence. Ce qui l'anéantissait le plus, c'était de ne pas avoir peur : il mettait son plastron, rangeait son épée avec un fatalisme et un sens du devoir qui était à proprement parler inhumain. Comme si de l'immense masse de cent mille âmes qui constituait l'armée amassée ici, il était désormais en connexion avec chacun. Un horrible et difforme léviathan prêt à détruire un ennemi encore plus affreux.
Un puissant battement d'aile fit vaciller les pins alors que Vif-Azur et Embruns passaient dans un éclair de jade au dessus d'Harwyn. Quand il se retourna pour les voir franchir la lisière des bois, l'aube se leva et lui brûla les yeux. Une vision merveilleuse des deux majestueuses bêtes et de leurs chevaliers résolus prenant leur envol au dessus de la plaine réchauffa mieux le cœur d'Harwyn que ne l'aurait fait un de ces immenses cairns sur lesquels ils se posèrent.
Le destrier de Rivefort brisait le givre à chaque fois qu'il posait le sabot au sol. Harwyn fut le premier à franchir la barrière des pins, mais la lumière du jour ne cessa de l'aveugler qu'une fois qu'il eut dépassé le dernier pin. Devant ses yeux, la géhenne de l'hiver s'étendait.
Des centaines de souches d'arbres coupées jonchaient la plaine. Des tâches d'hiver s'étendaient sur toute la colline, et, une fois une distance de flèche franchie, le manteau blanc de l'hiver recouvrait un paysage brûlé par le givre. Des armes, des lances, des haches, des peaux, gisaient parfois, épars. Quelques cairns monumentaux, immenses structures de tronc empilés en tour, carbonisés, faisait office de sépulture des combats qui avaient prit lieu pour arracher ce bout de terrain aux morts. Un tir plus loin, une immense masse sombre et grouillante, une nuée répugnante des horreurs de la terre, attendait immobile. Ils étaient nombreux, immensément nombreux. Derrière eux, les flots saphir du Détroit étaient gelés. Des blocs de glaces flottaient. Regardant à droite et à gauche, Harwyn comprit que la même scène se prolongeait sur au moins trois lieues. Deux lignes gigantesques se faisaient face, tellement énorme que si un homme d'une extrémité de cette formation criait quelque chose, il était peu probable qu'à l'autre bout on entende même son écho.
Dispositif:
Le front des humains était composé d'un fer de lance central et de trois corps sur chaque aile. Deux milliers de chevaliers et de cavaliers en armure composaient le centre, et c'était tous les illustres chevaliers assemblés qui s'y retrouvaient, ainsi qu'un bon quart de la Garde de Nuit. Deux ailes à droite étaient constituées de sauvageons, et l’extrémité sud de toute l'infanterie que Westeros amenait. Une aile à gauche était à nouveau des sauvageons, suivi d'une autre constituée de tout ce qui ressemblait à des guerriers d'élite chez les sauvageons, avec notamment les Thenns, et les membres du peuple libre armés de verredragon et de masses d'armes. Enfin, l’extrémité nord était composée de la Garde de Nuit quasiment au grand complet.