Un choix judicieux

Voilà de longues semaines que le Conseil n’était plus si restreint. S’y succédaient fougueux militaires et vaillants fournisseurs de foin. Ah, combien aimaient parler de gloire, mais combien savaient vraiment faire tourner le royaume. Heureusement que la Main du Roi et les autres conseillers connaissaient leur travail. Il ferma la porte sur une interminable journée de zèle et de palabre, et s’autorisa quelques instants de lassitude.

Quelques instants plus tard, il suivait le pas tranquille de son oncle en direction des remparts et du soleil couchant. Bien que le vieil homme soit de plus vingt ans son aîné, il peinait à ne pas se laisser distancer. Daemian avait toujours admiré cet homme accompli. S’il était honnête avec lui-même, il s’avouerait qu’il enviait Hendry Tully. Ils avaient tous deux le même esprit aiguisé, et ce regard profond qu’avait leur ancêtre Jonos, mais le Prince de Tyrosh n’avait jamais eu la forme physique ou le talent martial de son oncle. Il se plaisait à se croire l’homme le plus cultivé de Westeros et Essos, mais son oncle n’avait-il pas bien plus vu le monde ? Chacune de ses rides ne contait-elle pas une aventure plus vraie que tout le savoir de Daemian ?

Il avait peine à croire que Hendry était désormais un garde blanc, mais le Roi et le Conseil lui faisait confiance pour s’occuper de la pointe la plus avancée des Terres de la Couronne face au Prince Renégat, et il avait répondu à l’appel. Sa compétence militaire devait être largement reconnue.

Pourtant, c’est un tout autre sujet qui occupaient ce soir là leur conversation. Un autre conflit familial, qui, s’il n’était pas aussi gigantesque que l’affrontement des Targaryens, pouvait malgré tout transformer l’équilibre entre les couronnes et peut être même ébranler le socle de la famille royale. Daemian et Hendry dissertaient donc des deux candidats. L’un fort et fier, le candidat de la chevalerie, avec la fougue et la violence de ceux qui aiment la bataille. L’autre, sage, subtile, avec un jugement sûre, des alliés et soutiens plus nombreux, plus variés. Mais aussi avec un sang plus pur disaient certains. Tout un affrontement de personnalité sans prise de position claire mais qui allait décider du futur visage qu’aurait le Conflans.

“J’en parlais au vieux patriarche, musait l’essosi accoudé au rempart, et il me disait qu’il n’avait jamais regretté miser sur la stabilité. Un chevalier sera toujours un chevalier, donnons lui une armée, non ?
Si vous voyez aussi les choses ainsi, peut être saurez vous nous aider à résoudre la situation? Car après tout le nonchalant lui même me disait aimer cette proposition.”

Ce dernier avait d’ailleurs toujours beaucoup de respect pour le vieux prolifique. Daemian aurait pensé que cette relation plus forte que le lien vassal-suzerain était un des meilleurs arguments pour résoudre la situation. Mais il se demandait finalement si ce n’était pas plutôt le caractère discret mais vif de son oncle, sa capacité à endosser l’allure d’un chevalier ou être charmant quand il le fallait, son beau visage mélangeant le teint noble Tully à la douceur du chevalier errant, sa voix de chanteur usée par le temps mais lui donnant des allures de conteur envoûtant  qui allait décider de la situation.

Derrière ce calme, cette placidité et la justesse mélodieuse de chacune de ses paroles, se cache un homme qui connait ses qualités et sait les exploiter pour faire avancer la conversation dans un sens qui lui convient, mais aussi quelqu'un de fier qui ne saurait laisser son honneur touché.